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11 défis auxquels la grande distribution devra faire face en 2023 (et même après)

2023 sera sans doute une année tumultueuse pour la grande distribution. Tout comme 2019-2020 l'ont été avec les confinements ; 2021-2022 avec les pénuries et l'inflation, 2023 s'annonce tout aussi mouvante.

Jonathan Le Borgne
Jonathan Le Borgne

Mais alors, de quoi l'avenir sera fait ? De mémoire, jamais la grande distribution n'aura été autant sollicité et jamais elle n'aura été confrontée à telle remise en question.

Voici 11 défis auxquels les supermarchés et hypermarchés de France devront faire face dans la prochaine décennie. Et le moins que l'on puisse dire c'est le chantier ne fait que commencer.

La fin du prospectus est une étape vers la fin potentielle des promotions

L'avenir des prospectus papier s'écrit en pointillé. En parallèle du dispositif Oui Pub qui se met en place dans plusieurs collectivités en France, des enseignes prennent les devants pour imaginer une vie sans l'iconique format publicitaire. Cora, puis E.Leclerc l'ont déjà annoncé et plusieurs magasins opèrent cette mue progressivement.

Mais la fin du prospectus n'est peut-être qu'une étape à une vie sans promotion. C'est en tout cas ce qui est écrit entre les lignes de la Convention Citoyenne pour le climat dont l'ambition in fine serait « d'interdire de manière efficace et opérante la publicité des produits les plus émetteurs de GES, sur tous les supports publicitaires » et en allant un peu plus loin « d'éviter toutes les incitations à la consommation de produits non vertueux pour l’environnement ». Ce même rapport pointe d'ailleurs la surconsommation comme « comme un danger pour notre planète », et veut « inciter le consommateur à réfléchir à ses besoins avant l’acte d’achat ».

Ce débat paraît fou, mais il est bien réel. Il pourrait être plus concret en 2023. Dominique Schelcher sur Linkedin a d'ailleurs pointé du doigt un projet de loi en ce sens visant à interdire les grosses promotions. Selon le patron de l'enseigne, cela conduirait à d'une part à « la fin de l’essentiel de la négociation entre distributeurs et industriels » et d'autre part à « un renforcement de l’inflation alimentaire au plus mauvais moment. La baisse des volumes, enclenchée en 2022, n'en sera que renforcée au détriment de tous les acteurs de la chaîne ». Le sujet est bel et bien sérieux et est bien plus concret qu'il n'y paraît.

Question autour du ciblage publicitaire, de la souveraineté numérique et la place des GAFA dans la transition numérique

En parallèle de la fin du prospectus, la question autour de la position des acteurs de la Big Tech demeure. Car pour le moment, les principales solutions pour remplacer le prospectus sont les outils numériques. En tête de liste les réseaux sociaux - portée notamment par META avec Facebook & Instagram, et le géant chinois Tik Tok) et, bien sûr, Google.

D'ailleurs, ces géants du web sont des géants de la publicité en ligne avant même d'être des plateformes sociales. Leur audience est aujourd'hui telle que leur position devient archidominante, au point  d’alerter la Commission européenne qui rappelons-le a déjà donné du fil à retordre à Amazon et à Apple et à revoir leur règle de transparence et de respect de la vie privée de leurs utilisateurs.

À ce jour, Facebook et Google, malgré des tentatives politiques, sont encore plus oiu moins épargnés par ces questions.

Tout cela pour dire que des politiques d'encadrement du ciblage publicitaire  autour de ces géants pourraient perturber des enseignes qui auraient tendance à trop rémunérer et grossir ces plateformes pour conquérir des vues.

Une situation qui pourrait se faire au profit des médias régionaux et nationaux qui proposent des solutions de visibilité locale pertinente et ciblée.

La rationalisation de l'écosystème numérique

Parallèlement aux deux premiers défis cités ci-dessus, il est également l'heure de rationaliser l'écosystème numérique des points de vente. À ce jour, celui-ci se recentre principalement autour des réseaux sociaux, du mail, du sms, voire du search, mais sans toutefois à avoir de passerelles communes au fonctionnement de celui-ci.

L'enjeu de cette rationalisation vise (et visera) à mieux coordonner les actions marketing locales tout en incluant au mieux l'utilisation des bases de données de celle-ci. Il en va de meilleurs ciblages, une meilleure gestion des budgets et une réallocation des investissements non pas au profit des GAFA, mais au profit du point de vente lui-même.

Revoir son modèle économique

Pareillement aux défis mentionnés ci-dessus, que restera-t-il de la grande distribution si les promotions venaient à disparaître ? Le sujet alerte forcément dans un contexte inflationniste et alerte également les distributeurs qui ont fait des promotions une arme de différenciation massive pour soigner leur image-prix et attirer du trafic en point de vente. Ce « modèle économique » pourrait se déséquilibrer dans les années qui viennent poussant le secteur à envisager une nouvelle forme de commerce.

Ainsi, les enseignes pourraient se tourner davantage vers le développement de service. C'est déjà le cas avec la location de véhicules, les services financiers, etc.). Si la transition est déjà entamée, elle n'est pas encore suffisante pour remplacer l'ancien modèle.

Être en mesure de mesurer le bilan carbone d'un magasin

La mesure précédente est d'autant plus intéressante, que le secteur sera encore mis à profit sur un autre sujet : l'empreinte carbone. Un chantier de plus pour la grande distribution qui doit jouer sur tous les fronts.

Il ne vous aura pas échappé que le secteur a dû revoir sa copie en matière d'empreinte carbone et a largement investi d'efforts pour remplacer les néons par des LED, ajouter des portes vitrées au rayon frais, éteindre les enseignes la nuit, etc. Entre autres. On pourrait allonger la liste avec la dématérialisation des documents internes, le Green IT qui vise à réduire l'empreinte carbone des outils informatiques, etc.

Cela reste qu'une étape dans des projets de fonds, celui de mesurer efficacement le bilan carbone d'un hypermarché. Pas une mince affaire.

Dans les années qui viennent, la réalisation d'un bilan carbone sera rendue obligatoire pour les entreprises (elle l'est déjà d'ailleurs tous les trois ans pour les services de l’État, les collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants et les établissements publics et autres personnes morales de droit public de plus 250 agents). Le dispositif devrait s'étendre à la grande distribution dans les années qui viennent.

Pour le réaliser, des méthodologies seront rendues publiques pour quantifier les émissions de gaz à effet de serre. La démarche est complexe s'il faut inclure tous les acteurs de la filière.

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Structurer son e-commerce, s’adapter aux nouveaux modes de consommation et à des consommateurs devenus flemmards

En France, le marché de l'ecommerce a probablement atteint son apogée. Après avoir connu une forte hausse entre 2019 et 2021, le marché a baissé en intensité. À priori, l'ecommerce en France n'aura plus de croissance significative dans les années qui viennent. En effet selon Médiamétrie, au mois d’octobre 2022, 54,3 millions d’individus se sont connectés à internet, soit 86% des Français. Chaque jour, 45 millions d’entre eux ont surfé sur le web. En ce sens, le marché potentiellement adressable semble avoir atteint son seuil maximal.

Si bien que l'enjeu de demain n'est plus de conquérir de la croissance, mais plutôt de développer les usages et de gratter des parts de marché à la concurrence. Comment ? En étant plus compétitifs, en supprimant les irritants notamment (livraison, délai, rupture, etc.) et en développant un marketing pour toucher une audience moins importante, mais plus qualifiée.

Mais par-dessus tout, le monde de consommation doit faire face à une France plus casanière, plus flemmarde même. Selon une étude, 45% des Français ont la flemme de sortir de chez eux, dont 52% des 25-34 ans, 53% des 35-49 ans et 33% des 65ans et +.

Moins de temps dehors, veut donc dire moins de temps passé en magasin et cela donne des perspectives importantes pour le secteur de la livraison du dernier kilomètre.

S’adapter aux pénuries qui vont devenir la norme

On a connu les ruptures de stock sur la moutarde, l'huile... et si cela n'était que le début ? Souvent attribuée à la guerre en Ukraine (ce qui parfaitement expliquable pour l'huile puisque 50 % des exportations d’huile de tournesol dans le monde viennent d’Ukraine), la réalité en est tout autre.

En plus de la moutarde, de l'huile, c'est aussi le blé, les pois chiches, les cornichons, les pommes de terre (la liste est longue) ont aussi été menacés de rupture dans les rayons de la grande distribution.

En 2023, d'autres produits pourraient venir à manquer : « Ce qui est à craindre dans les prochains temps, c’est que quelques produits puissent disparaître ponctuellement des rayons parce qu’ils deviennent trop chers à produire », avait d'ailleurs déclaré Dominique Schelcher le 22 novembre dernier.

Se trouver de nouveaux temps forts et renouveler les marronniers

En tête de liste, les soldes, les Foires aux vins ont connu des années difficiles et n'échappent pas aux effets de la déconsommation. Pourtant habitué aux têtes de gondoles et à de forts investissements de la part des magasins, le succès en dent-de-scie de ces événements obligera le secteur à renouveler ses marronniers commerciaux.

Donner une nouvelle vie à l'offre bio (avant qu'il ne soit trop tard)

En seulement 10 ans, le bio a pris une place (trop) importante - presque imposante - dans les rayons des supermarchés. Les rayons ont dû faire à une surabondance de l'offre par rapport à la demande.

Aujourd'hui, face à un marché du bio en lente décroissance, les magasins n'ont pas tardé à ajuster leur offre pour compenser les baisses des ventes : nouvelle implantation, réduction de l'assortiment, les supermarchés et hypermarchés de France ont revu leur façon de travailler ces produits en rayon. L'enjeu sera de trouver une place au bio dans les années qui viennent, mais avec une offre largement réduite (à moins qu'il ne soit trop tard).

Développer le local et les produits durables

Nouveaux temps forts, baissent des ventes sur le bio, cela pourrait profiter au développement de l'offre locale. C'est en tout cas la tendance qui se dessine : faire plus de place aux produits mentionnés durables et locaux.

En 2021, le marché des produits locaux alimentaires pesait 1,8 milliard de chiffre d’affaires. Cela reste encore faible, mais c'est sans doute le levier de croissance incontournable pour les années qui viennent.

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Remettre de l’intelligence humaine dans la gestion des rayons

Sujet sensible en grande distribution, les pénuries pourraient ne pas concerner uniquement les produits alimentaires. Les emplois aussi.

En grande distribution, pas de salarié en rayon = pas de commerce. En tout cas celui-ci pourrait rapidement s'affaiblir si tous les problèmes du moment (pénurie, inflation) ne s'alignent plus correctement. La grande distribution (au même titre que les secteurs d'activités en France) pourrait voir leur activité fortement se fragiliser si les bras viennent à manquer en magasin.

Toute la question est donc de remettre de l'intelligence humaine au profit des équipes en magasin pour optimiser le temps de travail, définir les actions prioritaires, réduire les contraintes... sans toutefois les faire perdre en autonomie et en responsabilités. Si une quelconque intelligence artificielle ou automatisation vient à remplacer des tâches passionnantes pour les équipes, alors la situation se complexifiera.

EnseigneMétierRSE

Jonathan Le Borgne Twitter

Éditeur de Je Bosse en Grande Distribution. Passionné par la transition numérique des entreprises. Consultant, formateur et stratège en communication digitale pour la grande distribution.

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