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« L'herbe n'est pas plus verte ailleurs » : quelle vie après des années à la direction d'un magasin

Être à la tête d'un magasin ne suffit pas à la satisfaction des directeurs de magasin. Qu'ils dirigent un super ou un hypermarché nombreux expriment leurs états d'âmes face à un secteur où il devient difficile de fédérer la nouvelle génération.

Jonathan Le Borgne
Jonathan Le Borgne

D'employé, à manager, jusqu'à la direction d'un magasin, beaucoup de professionnels connaissent l'accession aux postes le plus haut dans la hiérarchie d'un supermarché ou d'un hypermarché. Néanmoins, selon les enseignes, la voie royale d'avoir un jour son propre magasin n'est pas toujours aussi simple, il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus.

Certains membres dirigeants, après des années sur le terrain, se posent souvent la question de leur avenir : « peut-on se reconvertir facilement après des années comme directeur ? », « vers quel secteur se tourner ? », nombreux nous ont fait part de leurs doutes. Ils racontent.

Un secteur passionnant, mais avec une forme « de lassitude »

« 17 ans en grande distribution, d'ELS à Directeur, formaté dans ce monde, dans ses principes, dans son rythme de travail, cette abnégation totale au service de notre point de vente [...], aujourd'hui je me sens moins motivé [...] car je me reconnais de moins en moins dans ce secteur d'activité », interpelle dans une publication Linkedin Jean-Baptiste Besnier.

Comme lui, de nombreux directeurs et ex-directeurs se sont reconnus : « difficulté à fidéliser, de fédérer, important turn-over », découragés certains préfèrent rendre les armes et se donner un second souffle ailleurs. « Je ressens complètement cette lassitude après 15 ans de management dont presque 10 en direction », ressent aussi cette directrice de magasin.

Des directeurs alertent sur la nouvelle génération désengagée

Parmi les constats, de nombreux professionnels alertent sur le manque d'engagement de la nouvelle génération à l'égard des métiers du secteur : « depuis des années, on a prôné l'individualisme et maintenant les enseignes prônent la solidarité et le collectif, c'est incompatible et difficile de revenir en arrière », soutient ce directeur qui reproche au secteur « de s'étonner que les nouvelles générations soient individualistes et dépourvues de sentiment d'engagement envers l'entreprise... Quelque chose s'est cassé et sera difficilement réparable », insiste-t-il.

Constat similaire pour ce directeur d'un drive qui dirige une équipe de 30 personnes : « j'ai eu la chance d'être là au bon moment, j'ai pu évoluer rapidement », explique-t-il, « mais on doit se battre seul face à la difficulté de construire une équipe sur la durée. Nous avons un turn-over important, malgré plus de bienveillance dans un milieu où l'humain a peu de place. On passe notre temps à former et reformer. On perd en qualité de travail. On se bat pour garder les personnes en leur disant que l'herbe n'est pas plus verte ailleurs. On aménage les plannings. Sauf que voilà, la pression du milieu, les horaires, la disponibilité 24h/24, ça épuise même les plus énergiques et motivés comme moi », finit-il par regretter.

Évidemment, la grande distribution est un exemple, mais cela concerne d'autres secteurs : « on explique aux jeunes que l'herbe n'est pas plus verte ailleurs et c'est vrai », raconte ce directeur commercial, « oui c'est difficile, mais malheureusement, ce souci n’est pas propre à la grande distribution. Tous les secteurs sont touchés par ce phénomène. C'est le même constat dans l'industrie ».

Nombreux croient au changement qui se précise dans un secteur en pleine transformation : « je pense que ça vaut le coup de s'accrocher. Il faut se dire que nous ne sommes pas les seuls », insiste ce manager.

« C’est forcément une décision pleine de doutes » : ils ont changé de vie après avoir travaillé en grande distribution
Ils ont quitté la grande distribution pour changer de métier. Ils racontent.

Quelle reconversion après des années à la tête d'un magasin

Après des années à des postes importants, certains ont malgré tout franchi le pas : par choix, par « envie de voir ailleurs » ou parfois malgré eux pour des questions liées à l'âge. C'est le cas notamment de cet ancien directeur qui après 36 années en grande distribution a vu sa carrière stoppée nette à 59 ans : « ce métier ne veut pas de vieux », regrette-t-il.

Pour ces déçus, « il faut anticiper le virage à 180 degrés », raconte cette directrice après 22 ans passés dans le secteur. Comme elle, ces expérimentés ont souhaité quitter le secteur pour prendre une autre direction « sans pour autant être fâché avec la grande distri », explique l'un d'eux.

« Je suis partie pour un poste de directeur commercial dans l'industrie agroalimentaire », raconte cet ex-directeur d'un hypermarché, « je garde un lien avec le secteur car ça restera mon secteur de coeur », précise-t-il, « en tant que directeur on a cette mission de fédérer la nouvelle génération. Oui, c'est sûr que c'est une autre époque contrairement à celle que certains ont connu il y a 20 ans, mais il y a un vrai challenge dans nos métiers », positive-t-il.

Pour d'autres, le choix a été plus radical : « j'ai dit stop du jour au lendemain pour complètement changer de voie », explique ce directeur après 16 ans passés à la tête d'un hypermarché, « le secteur ne correspondait plus à mes attentes, j'ai souhaité me réorienter en me servant de mes acquis professionnels. Beaucoup de portes se sont fermées. J'ai perdu en statut mais je ne regrette rien », affirme-t-il.

Métier

Jonathan Le Borgne Twitter

Éditeur de Je Bosse en Grande Distribution. Passionné par la transition numérique des entreprises. Consultant, formateur et stratège en communication digitale pour la grande distribution.

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