⚡ Des Outils, des Ressources et des Idées pour préparer le Commerce de Demain Plus d'infos

Retail Révolution : À quoi ressemblera la société de consommation du futur

Mieux comprendre le monde dans lequel on vit et ses impacts sur la consommation et la distribution

Jonathan Le Borgne
Jonathan Le Borgne

La grande distribution vit sa révolution. Cette période de bouleversements et d'incertitudes est extrêmement passionnante et enthousiasmante pour construire le commerce de demain.

🤝
Cet article est le premier d'une mini-série intitulée Retail Révolution dans laquelle on appréhende les grandes questions autour de la révolution entamée dans le retail. On y parle de macro et microéconomie et les conséquences pour le retail de l'importance du positionnement. du monde devenu topologique, du futur de la proximité, de la data, du marketing et bien sûr de l'incontournable sujet de l'intelligence artificielle.
🤝
Quelques mots sur notre invité : Jean-François Gomez est un véritable leader d'opinion, conférencier, 15 passées dans la section Retail de Microsoft , il a accompagné les grands Retailers dans leur adaptation au monde d'aujourd'hui.

Société de masse vs Société fragmentée

« Je pense que c'est la société entière qui est bousculée. Moi, ma perception en tant que bébé d'internet et toujours pareil, je ne suis pas un spécialiste, je partage des idées et je crée des connexions parce que tout est à créer. C'est que les trois premières révolutions industrielles et on est né dedans. Il y a avait un seul modèle qui était comment optimiser les plans et les process pour délivrer toujours plus de produit à un consommateur homogène et passif. Depuis on a déplacé les valeurs, on a déplacé les individus pour délivrer toujours plus de produits sur un consommateur homogène, la fameuse classe moyenne avec un marketing qui l'adressait, qui lui faisait comprendre ce qu'il doit comprendre et le consommateur, finalement, il achetait ça. Ça a d'ailleurs fait émerger un certain nombre d'éléments, mais on a pris des habitudes qui ne sont peut-être pas très naturelles et qui aujourd'hui ressortent.»

« C'est la société de consommation, d'hyperconsommation. Là ce qui s'est passé c'est que depuis quelques années, on a eu un chamboulement. On a cru que l'histoire était terminée et là, on s'est pris trois chocs. Il y a eu le choc du consommateur ou de l'humain. C'est-à-dire que d'un coup, ce consommateur qui était homogène, passif, notamment grâce aux smartphones, a pu donner des impulsions dans le système d'information. Il a pu choisir la manière dont il allait être livré, la manière dont il allait interagir, il allait pouvoir parler, parler entre lui, parler avec les marques, etc. Celui qui était passif est devenu actif.»

« On voit bien que tous les travaux de Jérôme Fourquet montre qu'on est devant une fragmentation. On a même une hybridation si on va sur les travaux de l'ObSoCo de Philippe Moati où le même consommateur le soir va changer d'attitude. Le matin, il va être pour la planète, l'après-midi, il veut juste que ça aille vite et se faire plaisir. Là où on avait une cible homogène, stable, passive, on se retrouve avec un monde très fragmenté qui bouge et avec un consommateur qui est multi-facettes et qui change rapidement. »

« Le consommateur d'aujourd'hui est instable, Un jour il veut du bio, un jour il veut du premier prix. Un jour il va te livrer, un jour il veut se déplacer, un jour il veut ceci  »

« Les stratégies d'hyper personnalisation aujourd'hui, n'ont plus de valeur. Premier point, c'est que ce consommateur qui a pris la main, il change les chaînes de valeur. Un jour il veut du bio, un jour il veut du premier prix. Un jour il va te livrer, un jour il veut se déplacer, un jour il veut ceci. Il y a une émission à la télé et il change de comportement. Il n'y a aucune chaîne de valeur derrière. Avant, elles étaient stables et non, ça ne marche plus, il faut se réadapter. Par-dessus le marché, le consommateur c'est aussi le collaborateur, c'est aussi le collègue sur le carrelage, c'est aussi le cadre au magasin. Il ne veut plus faire ce qu'il n'a pas envie de faire, il veut pouvoir exprimer. Certains vont dire qu'il va rechercher du sens, une qualité de vie, un certain nombre d'éléments. Globalement, si on veut résumer, c'est que le consommateur qui subissait la société entre guillemets et qui était moyen, aujourd'hui chaque client est différent et en plus il veut faire ce qu'il a envie de faire.»

« Au-delà de ça, comment motiver les équipes terrain ? Dans ce monde mouvant, c'est juste fondamental. On n'ira plus dans les points de vente si les vendeurs font la gueule. Comment leur donner envie de s'investir ? Un collaborateur s'il est motivé, il va pouvoir développer une croissance exponentielle. S'il est démotivé, il ne viendra même plus travailler. Là, on a un phénomène qui est un accélérateur que je qualifie d'exponentielle au niveau de l'individu et qui impacte de manière très rapide.»

« Il faut arrêter de penser linéaire comme on l'a fait pendant des années. On est sur des modèles exponentiels. S'il y a un mouvement de population, immédiatement on voit la réaction. Ça le c'est le premier coup de poing sur le modèle statique, passif qui recombine les chaînes de valeur. Ensuite, on a le deuxième élément qui sont la crise environnementale, les ruptures sur les matières premières, la crise énergétique. C'est la planète qui se rappelle à nous. Cette planète aujourd'hui, c'est pareil, elle va avoir un impact très fort sur la recomposition des chaînes de valeur. Que ce soit à cause des enjeux géopolitiques avec des ruptures d'approvisionnement, que ça soit l'impact financier sur le coût des matières premières ou sur le fait qu'il y ait un problème d'énergie, on arrête de produire.»

« Deuxième élément qui font que les chaînes de valeur se constituent en permanence, c'est le facteur environnemental. Le troisième élément qui est lui aussi exponentiel puisqu'il a des effets exponentiels, de puissance, c'est la technologie. La technologie c'est l'Internet, il y a quelques années, tout ce qui était Cloud qui a permis d'accélérer la puissance, qui a accéléré un certain nombre de plateformes. C'est aussi l'IT qui permet de remonter beaucoup d'informations en temps réel et on l'a encore vu récemment avec ChatGPT qui là, a donné encore un grand coup de poing sur la manière de travailler.»

« On a trois phénomènes exponentiels qui sont la technologie, l'environnement et l'humain qui fait que notre écosystème qui se compose de transformation de matières premières, de livraison, de consommateurs, et cetera tous ces éléments aujourd'hui, c'est une espèce de grand maillage. Le terme classique, c'est de dire qu'on est dans une économie de graphe. Un graphe, ce sont des nœuds avec des connexions. C'est cette économie de graphe aujourd'hui qui est en train d'émerger. C'est une rupture majeure avec l'économie linéaire qu'on avait autrefois. C'est ça qui aujourd'hui est une vraie rupture par rapport aux trois premières révolutions industrielles, puisqu'on essayait d'optimiser les process avec des plans. Aujourd'hui, on va bien voir que dans cette économie de graphe, de recomposition permanente, ce sont d'autres enjeux qui sont à résoudre pour performer et on va y revenir.»

« Oui. Ce qui est passionnant, c'est que dans ce graphe, on a des entités industrielles de production, des marques nationales, etc. On a des transporteurs en amont et en aval. On a des acteurs de la distribution et du commerce et on a le consommateur. C'est-à-dire que dans l'ensemble de ce graphe, chaque acteur est une plateforme qui va à la fois consommer des services. En tant que consommateur, je vais acheter mes yaourts, mais en tant que producteur, je vais peut-être demain renvoyer la consigne. Aujourd'hui, je vais renvoyer des informations sur ma satisfaction de l'échange. Tout le monde devient producteur et consommateur.»

« Ce qui fait que dans cette économie de graphe, les règles économiques qu'on avaient dans les trois premières révolutions industrielles sont totalement différentes. Quand on est dans un graphe pour performer, il faut d'abord continuer à avoir du flux en permanence et donc il faut travailler sa proximité. Là ça va être comment je fais en sorte que l'amont, l'aval et les opérations soient dans ma proximité pour avoir cette agilité. La grande distribution, elle a de l'amont, elle a des fournisseurs, elle a de l'aval, elle a des clients, elle a de la proximité sur les opérations au niveau de la foncière, et cetera. Plus on aura une diversité et un lien fort de confiance avec ses fournisseurs, ses clients et son opérateur local, sa foncière qui loue l'espace est plus en période de crise.»

« On voit bien que dans ce monde qui se transforme en permanence, on ne sait pas ce quel sera demain. Plus on est fort avec son environnement et plus on va pouvoir être résilient. C'est ça le grand changement. Si la performance n'est plus tant dans la planification et les process que dans la capacité de développer un écosystème, une proximité avec l'ensemble de ses parties prenantes, collaborateurs, fournisseurs, opérateurs locaux et client. Ça c'est un changement majeur puisque la performance vient de la proximité. La performance devient plus de la planification et des process. Ça va disparaître, mais c'est en termes de priorité.»

La notion de positionnement et d'utilité des entreprises : « le commerce pour moi c'est l'opposé de la distribution »

« Dans ce monde-là, comment créer la proximité ? Pourquoi des gens vont vous faire confiance et vont se mettre proche de vous et réciproquement. Mon analyse et ça, ça vient d'une approche un peu analytique, c'est mon côté tech qui est important. C'est que premier élément, pourquoi on va aller voir un acteur économique. D'abord, c'est parce qu'on a compris ses valeurs ou son marché. Son marché c'est l'alimentaire, le luxe, le premier prix, la réparation automobile. Ça, c'est le marché. Première élément, le marché.»

« Là, c'est un marché. Moi, je choisis un marché, un espace. J'ai des copains qui sont dans le sport, d'autres qui sont dans la musique, d'autres qui sont dans la tech, ils sont un marché. Deuxième élément, c'est quelle est l'utilité. D'un point de vue économique et ça se traduit d'un point de vue technologique, il y a quatre utilités aujourd'hui. Dans tous les business que j'ai vu, il y a quatre utilités. Il y a ceux qui vont fabriquer. Moi je vais voir telle entreprise parce que ses produits, j'adore et quand j'y vais, je sais ce que j'ai. Ce sont Ikéa, Kiabi, L'Oréal, etc. Je vais les voir parce qu'ils ont du produit. »

« La deuxième utilité, c'est distribution. La distribution, c'est je vais chez un distributeur parce que je sais ce que je veux, je veux juste que ça aille vite au meilleur prix. C'est l'efficacité dans l'acte de distribuer. Ça c'est un problème presque d'ingénieur, c'est de la data, c'est comment j'optimise du flux produit. On voit bien que cette utilité, je vais pouvoir la transformer ou dans tous les cas la rencontrer avec un certain nombre d'enseignes qui spontanément me disent eux ce sont des champions de la distribution. Si on veut citer des noms, on a Lidl qui est efficace et aussi rapide que le drive. Tu te gares, les caisses s'ouvrent très rapidement, il y a un assortiment limité, donc efficacité. Quand tu vas dans le magasin, tu vois que les gens sont tournés vers l'exécution. Ça, c'est de la distribution. »

« À l'opposé de la distribution, c'est le commerce. Le commerce pour moi c'est l'opposé de la distribution. Certains vont faire des bonds, mais pour moi ça n'a rien à voir. Le commerce, c'est échanger avec, c'est un côté social, pour chercher une solution à un problème. Comment faire un repas sympa pour ce weekend ? Comment refaire ma salle de bain ? Comment mieux m'habiller, et cetera. Ça n'a rien à voir.

« Le quatrième élément, c'est les médias. Je vais à un endroit pour découvrir des marques et là le client c'est plus des enseignes que des marques, donc c'est des ventes privées où il n'y a rien à payer. Vous n'allez pas aller chez Amazon pour chercher du conseil. Vous n'avez pas à aller chez Leroy Merlin pour avoir de la vitesse. Vous n'avez pas à aller chez L'Oréal pour trouver un produit qui vient d'une autre marque.»

« Quand je discute sur le terrain, on me dit Jean-François, nous on fait tout. Ton collaborateur sur le carrelage, qu'est-ce qu'il fait quand le client rentre ? Quand le client rentre est-ce qu'il doit aller vers le client pour lui demander comment il peut l'aider. Est-ce qu'il doit continuer à faire de la mise en rayon et de ramener le stock en rayon ? Est-ce qu'il doit passer du temps pour comprendre comment le client aborde le produit et les questions qu'il prend ce produit ? Ou est-ce qu'il doit rester à l'entrée pour orienter le client sur les différentes activités ? Quatre attitudes qui n'ont rien à avoir. Si aujourd'hui un dirigeant me dit qu'eux font tout je lui dis qu'il a un problème pour ses équipes parce que ça veut dire que ses équipes ne savent pas quelle est son utilité principale. Un grand de la distribution me disait que lui s'est engagé pour la distribution parce que même si le camion est quasiment vide, il part quand même. Quand on est dans le commerce, si le produit a du retard, on fera moins 10 pour cent, on s'arrangera. On est dans une relation sociale. Pour les collaborateurs, c'est très important de maîtriser son utilité. Souvent ce n'est pas assumé et c'est bien dommage. Aujourd'hui, dans un monde où on a une pléthore d'offres, une offre qui est au-delà de ce qu'attend le marché, si on ne sait pas qui l'on est, les clients ne sauront pas qui vous êtes.»

« Ils n'iront pas chez vous spontanément pour votre utilité principale, parce qu'ils ne la comprendront pas. Ils iront chez un concurrent qui lui a clairement exprimé sa majeure. Si je prends l'exemple par exemple d'un CMS, le Content Management System, c'est ce qui va gérer et animer le site web. Chez un distributeur, pour l'avoir fait avec un grand français de l'e-commerce, le CMS est piloté par les acheteurs. Quand je négocie mes 20 000 télés chez Samsung, il y a un super prix. Je voudrais presque que les télés soient vendues quand je raccroche. C'est lui, l'acheteur qui change le site web, qui met le prix sur le site web et qui fait clignoter la télé sur le site web. À l'opposé, quand je veux vendre un ensemble de jardin avec la tonnelle, les chaises, avec derrière les lampes, là ça va être les équipes marketing qui vont travailler la catégorie.»

« Si en revanche, je vais chez un spécialiste du produit comme Décathlon, L'Oréal et cetera, c'est les équipes produits qui vont donner les atouts en disant que cette chaussure est superbe parce qu'elle est plus mode que les autres, plus dur ou ce qu'on veut, et cetera. Le CMS n'aura rien à avoir. C'est-à-dire que le PIM, Product Information Manager, chez un distributeur c'est combien je peux en livrer ? Est-ce qu'il y a des contraintes de stockage ? Est-ce qu'il y a des dates de validité ? Un PIM chez un commerçant c'est qu'avec ce carrelage, il faut tel type de colle, il faut tel type de matériel pour l'installer. Ça n'a rien à avoir et dans le produit, c'est pareil.»

« Le modèle de données doit porter le modèle économique de l'entreprise »

Aujourd'hui le modèle de données doit porter le modèle économique de l'entreprise. La manière dont on représente un client par exemple. Il n'aura rien à avoir si on veut vendre ou faire du commerce avec une famille. Dans le modèle de données du client, on devra avoir la composition de la famille, s'il y a des services qui peuvent être déléguer à des membres de la famille alors que le modèle de données associé à un distributeur, c'est quelles sont les contraintes de livraison ? Si on peut livrer le matin, l'après-midi ? Est-ce qu'il y a une sonnette ? On peut tout faire, sauf que ça a un prix. Si on veut se singulariser par rapport aux autres, il faut être encore plus fort sur cette majeure parce que quand on fait un peu tout, on fait tout mal.»

« Quand on a tout le moyen, on est en-dessous de la moyenne. Faites l'exercice, vous avez besoin d'une perceuse, vous savez ce que voulez comme personne, vous la voulez pour demain matin, vous irez voir un distributeur. Vous voulez acheter une perceuse, vous ne savez pas si c'est pour du béton et ce qu'il vous faut, vous irez voir un commerçant. Vous avez déjà une gamme complète chez IOB ou chez Bosch, vous irez sur le site de Bosch pour savoir comment compléter la gamme. Le soir, vous, vous promenez sur ventes privées où vous avez une vente exceptionnelle, vous achetez. Quatre situations différentes pour une même perceuse, mais avec des priorités.»

« Là, je passe du temps dans les entreprises là-dessus, parce que je vais être un peu brute, mais beaucoup d'entreprises ont fait de la peinture digitale, c'est-à-dire qu'ils ont repeint les murs avec du digital. La transformation digitale, ça n'est pas une escroquerie, mais pas loin. C'est-à-dire que le suivi, ce n'est pas la transformation digitale, c'est la transformation de la société. Aujourd'hui, on est sur une société qui repose sur le numérique et donc il faut créer des fondations numériques. Les fondations d'un entrepôt pour stocker, les fondations d'un point de vente, d'une eau, d'une halle, les fondations d'une usine de transformation ne sont pas les mêmes. Le modèle de données pour chacun de ces acteurs est différent.»

« Si on fait plusieurs choses, soit on sépare les activités comme le fait Amazon, on se sépare avec leur propre PNL, avec leur propre identité. D'un point de vue technologie, on va parler de Data mesh, on a les architectures pour faire ça. Ce qui est important pour performer, c'est qu'on soit très clair sur l'utilité. Si je vais finir là-dessus parce que je pense que les mots ont un sens. Un magasin, c'est une zone de magasinage. Un showroom, c'est un endroit où on vit la marque. Regardez comment s'est transformé La Redoute. Ils n'ont pas ouvert des magasins, ils n'ont pas ouvert des commerces, il y a des showrooms où on vit la marque. La Redoute est un super exemple d'un acteur qui était dans le secteur de la distribution qui a dit que c'est de la data, qu'ils ont sept entrepôts, qu'ils basculent sur la marque produit et devenir d'abord une marque remarquable et ouvrir des showrooms.»

« On a des commerces là où on échange, des showrooms où on découvre les produits, des distributions, ce sont des entrepôts où on va voir la distribution, et puis des galeries marchandes où on va découvrir des marques. À chaque fois ce sont des mots différents et moi ça me fait toujours mal aux oreilles. Je ne comprends pas quand certains mélangent ces mots parce qu'une zone de magasinage, on ne fait pas du commerce dedans. Pour les vendeurs, c'est encore pire. Moi j'en ai discuté avec beaucoup. Par exemple, Leroy-Merlin la zone de distribution est quasiment à l'extérieur du magasin aujourd'hui. Faire en sorte que les ventes longues de commerce à l'intérieur ne soient pas perturbées par quelqu'un qui veut savoir si sa palette est arrivée. Je parle au Romain parce que j'ai aussi passé du temps à une époque avec eux sur ces sujets-là. On peut prendre plein d'exemples, mais la data le démontre encore une fois dans ce monde très fragmenté, avec beaucoup de propositions.»

« Si on n'est pas clair sur son utilité et qu'on ne l'exécute pas parfaitement, ça c'est un élément fondamental. Si on revient sur cette économie de graphe où on est tous des plateformes, il y a le secteur d'activité, il y a l'utilité, donc le modèle économique. Ensuite troisième élément, il y a la qualité d'exécution, il faut que ce soit bien édité. Quatrième élément, c'est la proximité, c'est l'interface. Cette interface, aujourd'hui, c'est pareil. On a l'habitude de dire que tout le monde doit être omnicanal, tout ça, c'est du n'importe quoi. Tout le monde doit choisir une interface adaptée à son business. Les leaders de la distribution alimentaire n'ont pas d'e-commerce en France.»

« Tu peux penser à Action qui est en croissance et à Lidl, tout doit être très clair sur l'interface qu'on va proposer par rapport au marché. Ne vous inquiétez pas, quand les clients ont compris la valeur de l'utilité, donc l'efficacité de la distribution chez l'un, l'efficacité ou la richesse du produit chez l'autre, ils se débrouilleront pour trouver le chemin pour y arriver. C'est vrai que parfois il faut un peu simplifier le chemin, mais c'est pour ça que l'enjeu n'est surtout pas de dire qu'on fait un schéma personnalisé pour chaque client. Ça c'est du n'importe quoi en marketing selon moi. Ce qu'il faut, c'est de donner la possibilité au client de construire sur chemin pour pouvoir venir vous voir. On investira d'autant plus sur la capacité de nos clients de construire son chemin que la marque sera faible.»

« Plus la marque est forte et plus le client de lui-même fera l'effort. Apple, superbe marque. Les clients quand il y a un nouveau produit, ils font la queue devant le magasin à 2 heures du matin. On l'a bien vu en cette période de crise et ça c'est un point important. Dans cette économie de graphe, qu'on soit un acteur économique ou qu'on soit un individu, aujourd'hui, il faut être clair sur ses valeurs ou son marché. Il faut être clair sur son utilité, il faut exécuter parfaitement et il faut avoir des interfaces adaptées à son environnement et les interfaces sont à la fois physiques et digitales.»

« De manière assez simple, Décathlon, c'est un fabricant. Ils ont une activité de distribution, mais ils ont commencé à ouvrir des corners il y a un an, un an et demi. Un acteur comme Lidl, c'est carrément de la distribution. Carrefour fondamentalement, c'est un distributeur. C'est-à-dire que quoi qu'on en dise, on ne va pas aller chez Carrefour chercher du conseil.»

« J'ai fait un papier ou un relais hier ou avant-hier sur les annonces de Walmart qui disait que le retail média est une source de marges intéressante pour le futur. La question que je posais dans mon post, c'est est-ce qu'un pur player de la distribution peut finalement développer sa marge sur le média ? Ce qui veut dire qu'on vient te voir chez Walmart pour la qualité de ton exécution sur la distribution. Walmart va travailler sa marge sur le fait de ta visite. Ça, c'est une chose qu'on avait fait avec Kroger aussi il y a trois ou quatre ans. Kroger est un acteur qui était dans la distribution, qui a monté une activité de retail media il y a trois ou quatre ans qui s'appelait Sun Technologie il me semble, avec des caméras dans le magasin.»

« Très tôt ils sont allés sur ce terrain-là, ils ont délégué une partie de leur distribution à Ocado et ils ont renforcé la formation des vendeurs pour faire du commerce sur le lieu de vente et accompagner. Ça c'est intéressant, Kroger a bougé. En France, j'ai parlé de la Redoute qui a pivoté de la distribution à la partie fabricant. Tu as Intermarché qui avait fait une démarche intéressante. Ils étaient des mousquetaires de la distribution et ils sont posés comme producteurs et commerçants. Ça c'est très intéressant sauf que là ils ont changé. Sur le produit, ça fonctionne, sur le commerce, je laisse à chacun de juger. Fondamentalement, en cette période aujourd'hui de crise où les consommateurs veulent aller à l'essentiel qui est le prix. Le prix c'est le produit, c'est la distribution.»

« Aujourd'hui, on voit bien que chacun est en train de revenir sur leur cœur parce que j'avais l'impression que certains sont gênés de dire qu'ils sont des distributeurs. Nous on arrête la distribution, maintenant on veut proposer du sens à nos clients. Ça veut dire quoi proposer du sens. Je ne comprends pas ce que ça veut dire ça. C'est-à-dire qu'il faut être clair. Nous, on fait de la distribution, on va être efficace, on va fournir des produits au meilleur prix par rapport à un marché, mais pas du sens. Le sens est dans le dans le prix quelque part si on veut, parce que le sens c'est à peu près tout et n'importe quoi. Ce qui est toujours très intéressant par rapport à ces exercices, c'est qu'il faut impliquer les collaborateurs parce qu'un collaborateur qui est très bon sur le commerce, ne le sera pas forcément sur la distribution.»

« Ça pour avoir discuté avec plusieurs enseignes qui ont voulu essayer de dire qu'ils vont faire de la marge, qu'ils vont conseiller les clients, et cetera, mais ils ont embauché des équipiers qui ont été recrutés pour remplir du rayon. Si demain tu leur demandes d'aller face aux clients, certains seront contents mais beaucoup vont te dire qu'ils n'ont pas envie de voir le client parce qu'il leur fait peur. Un directeur de magasin me disait qu'il a essayé de passer vers une offre plus de services pour accompagner le client, mais lui tous ses vendeurs rentrent dans le stock quand les clients rentrent parce qu'ils n'osent pas. Il y a des métiers pour tout, mais si on n'est pas clair et je pense que le consommateur séparait les zones de distribution, les zones de commerce avec ça.»

« Ce qui est très intéressant, c'est qu'il y a des enseignes qui ont bien compris ça et qui ont une approche écosystème. On peut penser à United B, on peut penser à Adeo ou Leroy-Merlin qui est positionné sur le commerce, Bricoman qui est positionné sur la distribution avec une marque de distributeur. On peut penser à United B entre Boulanger, Électro Dépôt qui est sur la distribution, ce qui fait qu'on a cette culture, cette image commune, mais on a des utilités qui sont identifiées différemment avec des magasins. Quand tu vas dans un Électro Dépôt et un Boulanger, tu vois bien que ce n'est pas du tout le même modèle. Il y a deux fois moins d'employés dans un Électro Dépôt, sur les rayons tu as des roulettes pour que les clients puissent eux-mêmes sortir les produits et donc c'est de penser à ça.»

« Ça aujourd'hui, je pense que dans ce monde fragmenté si on n'est pas clair sur son utilité et que le consommateur ne le perçoit pas tout de suite, on a un problème. D'un point de vue mathématique, d'un point de vue data, c'est très, très net. C'est pour ça que moi quand je rencontre un interlocuteur du retail, je lui dis c'est quoi son métier, s'il est commerçant ou distributeur. Les conversations commencent toujours comme ça parce que ça structure la chose et parce que venant de la tech, on me demande toujours la technologie, qu'est-ce qu'on pourrait faire ? Moi, la première question que je dis c'est que le sujet, ce n'est pas ce qu'ils pourraient faire.»

« C'est ce qui ne doit surtout pas bouger chez eux. Parce qu'ils ne savent pas ce qui ne doit pas bouger ça veut dire que leurs collaborateurs, leurs clients ne pourront pas prendre d'initiative. Ils ne seront pas qui ils sont. Or, dans une économie de graphes, on l'a vu tout à l'heure où la valeur vient de la création de proximité. Il faut que chaque acteur de l'entreprise puisse être vecteur d'opportunité, vecteur de lien, vecteur de proximité. Pour qu'un collaborateur prenne des initiatives soit sur la logistique, soit sur le commerce avec engagement client, soit sur des nouveaux produits, il faut qu'il maîtrise les lignes rouges à ne pas dépasser. Ce qui tue le plus c'est le je n'ose pas.»

« Pour tuer le je n'ose pas de l'entreprise c'est de faire en sorte que chaque collaborateur, on lui fasse confiance et lui partager la ligne rouge et ainsi de faire en sorte que chaque collaborateur devienne un entrepreneur de la relation client chez un commerçant. Un entrepreneur de la relation stocks produits chez un distributeur, et cetera. Il faut créer de la valeur par cette proximité aujourd'hui et la technologie est là pour ça. La technologie, la data est fait pour exprimer, pour amplifier ces prises d'initiative.»

« En tout cas les DNVB, je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi. Elles doivent faire les quatre, ça c'est très clair. Elles les font de manière frugale grâce à l'internet, mais elles sont fondamentalement des marques produits. C'est-à-dire qu'elles deviennent médias parce que les gens sont attirés par le produit, le consommateur a tel produit, elles font le buzz. Elles font le buzz parce qu'on a une marque remarquable. On pourrait dire à peu près la même chose pour le luxe. Le risque du DNVB ou le challenge du DNVB, c'est de rester à la mode entre guillemets, c'est de continuer à attirer et faire en sorte que le produit reste désirable. Les DNVB sont un bon exemple. Aujourd'hui, vendre, ça coûte beaucoup trop cher et les DNVB sont nés là-dessus. Essayer de vendre, je fais du marketing, je vais acheter mon client, dans un monde très fragmenté, ça coûte beaucoup trop cher d'aller voir chacun avec ses attentes.»

« Non, non, elles n'ont pas réussi à acheter les clients. Elles se sont rendues désirables par les clients. L'enjeu n'est pas de vendre l'enjeu est de faire acheter. Ce qui fait que quand tu fais acheter déjà, tu ne sais pas qui va venir. Aujourd'hui, dans ce monde en graphe, on n'est plus dans une société poussée comme les sites industriels. On a une société tiré. Le dernier mètre, c'est celui qui coûte le plus cher. On le sait tous, surtout dans un monde fragmenté. Il faut que ce dernier mètre pour toi soit le premier mètre pour ton interlocuteur. Si en plus cet interlocuteur est très fragmenté, il faut que tu te mettes en situation d'être tellement désirable qu'il y a des gens que tu n'avais même pas imaginer qui vont faire l'effort de venir à ta rencontre.

« Ça c'est la force des DNVB. Les DNVB c'est d'avoir une singularité qui fait que les personnes se reconnaissent dans cette singularité et vont prendre n'importe quel chemin pour venir. C'est là où tu vas voir apparaître tes clients que tu n'avais pas imaginés. Dans la vente, tu pars du principe où tu dis que tu as une solution, il faut absolument que tu viennes acheter mon meilleur prix, il faut que tu viennes acheter absolument ma tondeuse, c'est la solution qu'il te faut et ça, je paye pour que les gens viennent. Aujourd'hui, il faut dire moi je pense que la tondeuse aujourd'hui, elle doit fonctionner de telle manière et qu'elle doit être belle et qu'elle doit être recyclable, et cetera. Qui est-ce qui va venir ? C'est là où tu vois qui est ce qui vient. L'enjeu, c'est que ça accroche mais parfois ça n'accroche pas, mais si ça accroche, c'est de l'exponentiel.»

« On est dans une société exponentielle, c'est-à-dire que tu peux te planter, ton produit personne ne l'a vu mais si tu arrives à accrocher le marché, d'un coup tu as une accélération autour de ton produit. C'est ça qui est important. Un des éléments à retenir aujourd'hui, c'est qu'on a été pendant des années sur la société du push, à pousser du produit. Maintenant, il faut travailler sa marque pour se rendre désirable et faire en sorte que les consommateurs comprennent la valeur et qu'ils aient le chemin pour venir à toi et finalement vont participer à ta [inaudible 00:35:15- 00:35:15]. Ils deviennent des parties prenantes.»

EnseigneConsoNumérique

Jonathan Le Borgne Twitter

Éditeur de Je Bosse en Grande Distribution. Passionné par la transition numérique des entreprises. Consultant, formateur et stratège en communication digitale pour la grande distribution.

commentaires