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« Il faut un temps pour s'adapter » : où en est le déploiement du projet Top Carrefour

On nous demande souvent ce que devient le projet Top au sein de Carrefour. Explications par ceux qui vivent le projet au quotidien.

Jonathan Le Borgne
Jonathan Le Borgne

Le projet Top est le projet cher à Rami Baitieh, l'actuel Directeur de Carrefour France. Visant à améliorer la productivité et à supprimer les irritants (ruptures, erreur d'étiquetage), son déploiement remonte régulièrement de nombreux retours au sein des communautés que nous animons. On y recense des avis conquis et d'autres plus sceptiques.

Un temps suspendu par un syndicat, cette réorganisation provoque en effet quelques remous en interne « pas convaincus ». D'autres projets similaires au sein d'Auchan avec le projet Soleil et chez Cora, projet Rennaissance, connaissent des retours similaires.

Des nombreux retours que nous avons, le projet Top connait quelques satisfactions, mais avec « beaucoup de choses à améliorer », selon certains propos. D'autres professionnels reconnaissent également qu' « il faut un temps pour s'adapter ».

Le projet Top expliqué par ceux qui le vivent au quotidien

Le projet Top ce sont les professionnels des magasins qui en parlent le mieux : « avec Top, les employés n'ont plus de rayon attitré », explique l'une d'elles.

Le projet scinde les équipes en trois :

  • FRONT, celle qui fait uniquement la mise en rayon (et pas le facing)
  • SCAN : celle qui fait la gestion générale, détection des ruptures, affichage des prix, gestion des commandes et des DLC
  • BACK : celle qui gère la réserve, les palettes de stock, la mise à disposition du matériel et des palettes et qui s'occupe du rangement des marchandises

Ce projet vise à inciter les magasins à effectuer une mise en rayon collective et bénéficier de cette effervescence d'équipe pour gagner en productivité. Avec Top, fini les temps morts. Si le projet se veut efficace pour certains magasins, nombre de salariés avouent que le temps de travail est : « devenu minuté, à la demi-heure près ».

Top est actuellement en déploiement au sein des rayons secs et à commencer à se déployer au sein des équipes Frais selon les magasins.

Une productivité améliorée (et le café servi à 7h avec les équipes)

Côté positif, certains magasins semblent satisfaits de la méthode : « on y est passé depuis le mois de février et globalement l'éclatement des palettes au sol se passe bien avec les équipes », confirme ce manager tout en tempérant toutefois avec « des améliorations encore à faire dans la gestion des stocks et le lien entre les équipes Front et Back ».

D'autres responsables reconnaissent le gain de productivité, mais doutent de la méthode en cas de hausse d'activité : « avec les équipes actuelles, ça fonctionne bien, mais en cas de hausse soudaine d'activité, je pense que ce ne sera plus pareil », ajoute un responsable, « on sait que le projet dépend aussi clairement du nombre de bras. En cas d'absence tout d'écroule », affirme un autre responsable qui dispose lui d'une équipe de 10 personnes au sein des rayons PGC.

Le projet semble aujourd'hui faire ses preuves dans la limitation des ruptures : « on voit une grosse évolution oui », explique cet employé, mais « en rayon c'est beaucoup plus dur. C'est encore plus soutenu pour les équipes de l'après-midi qui ont énorme charge de travail et des tâches variées », admet-il.

Point d'orgue du projet, le projet Top est livré avec le café servi auprès des équipes à 7 heures chaque matin : « les managers servent le café avec des petits pains », racontent des employés. Si l'initiative apporte un temps de pause « convivial », d'autres expliquent que « la pause à cette heure-ci ça fait aussi prendre du retard sur le travail ». Cette pause s'avère même « impossible à prendre » pour les équipes des rayons métiers qui ont « des prod' en cours » comme en pâtisserie ou boulangerie.

À l'inverse, des réserves qui croulent sous les stocks et certains salariés reprochent une perte d'autonomie

Comme tout déploiement, le projet soulève aussi de nombreuses questions. Pour d'autres magasins, le projet ne fait pas l'unanimité : « chez nous, le gros point noir c'est le stock : on n’a jamais eu autant de stock en réserve, limite on bataille tous les jours pour réussir a faire rentrer les camions », raconte ce réceptionnaire qui reproche au projet.

Puisque chaque magasin et équipe sont différents, d'autres expliquent un constat inverse : « les réserves sont nickel, mais les rayons sont plus moches qu'avant. Pas de facing, pas de vendeurs. Par contre oui on fait plus de chiffre », conclut l'un d'eux.

Enfin, côté humain, le projet Top a fait perdre de l'autonomie à ceux qui aimaient encore leur métier avant le projet : « on a perdu de l'indépendance dans notre métier », reconnaît cette employée de rayon qui exerce au sein de l'enseigne depuis « plus de 30 ans ». « Je suis déçue de ce qu'est devenu mon travail : au front on ne gère plus notre rayon, le travail est rébarbatif. J'ai personnellement perdu le plaisir que j'avais à venir travailler alors qu'avant j'adorais », regrette-t-elle. D'autres pointent également du doigt « les inégalités dans la charge de travail des différents postes » : « entre le front et le back, selon les jours, certains peuvent souffler et baisser le rythme », nous explique-t-on.

Pour le moment donc, le projet Top doit encore faire ses preuves. Si le projet peut avoir des failles dans plus petites structures, celui-ci fait plus l'unanimité dans les structures dotées d'un effectif plus dense et plus flexible pour faire face au changement.

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Jonathan Le Borgne Twitter

Éditeur de Je Bosse en Grande Distribution. Passionné par la transition numérique des entreprises. Consultant, formateur et stratège en communication digitale pour la grande distribution.

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