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Optimiser ses marges et maîtriser ses coûts avec le Category Management, avec Frederic Gautier, CEO OPENCatman

Podcast autour du métier de Category Manager et de la façon dont il est exercé en France.

Jonathan Le Borgne
Jonathan Le Borgne

« Le catégorie management interactif, c'est cette intention d'offrir un outil qui va permettre à toutes ces équipes de s'aligner sur les mêmes décisions à prendre ou les mêmes décisions prises sur la catégorie pour mieux les définir, pour mieux les anticiper et pour les mettre en place. »

Dans ce nouvel épisode, on reçoit Frederic Gautier pour aborder les enjeux et les stratégies liés à la gestion des catégories dans le secteur de la grande distribution. Frederic est le créateur d'OPENCatman, une solution de Category Management interactive et innovante !

Au menu de cet épisode :

  • Qu'est-ce que le Category Management et pourquoi est-il important dans le domaine de la grande distribution ?
  • L'importance de l'alignement entre la marge et les coûts pour une gestion efficace des catégories.
  • Quelles sont les différences entre la gestion de catégorie en France et aux États-Unis ?
  • L'importance de trouver l'équilibre entre la croissance et la rentabilité des catégories.
Le Category Management « à la française » : 5 raisons pour lesquelles il a du mal à fonctionner sur notre territoire
Focus sur la raison d’être du Category Management et entretien avec Frédéric Gautier d’Opencatman.

Interview complète avec Frédéric Gautier

Jonathan: Bonjour Frédéric. Content de t'avoir sur ce Podcast dans lequel on va parler de Category Management, de Merchandising, tu es le fondateur d'Open Catman, une solution pour éditer des planogrammes, et tu as aussi plus de 25 ans d'expérience dans le retail. Ça fait un petit moment qu'on échange maintenant, et je suis très content de te recevoir ici. Comment je peux compléter ta présentation ? Comment tu te décris ?

Frédéric: D'abord merci pour cette invitation, Jonathan. Je suis très admiratif de toute l'audience que tu as su créer avec Je Bosse en Grande Distribution. C'est vraiment un très grand succès et heureux de participer à cette activité. Pour revenir à ta question, quelle était ta question ?

Jonathan: Comment tu te définis ? Comment tu te présentes ? Je t'ai présenté rapidement, mais toi comment tu te présentes ?

Frédéric: En deux mots, je suis avant tout consultant depuis 25 ans. J'ai commencé ma carrière auprès de l'industrie en France, mais très rapidement, j'ai eu une opportunité pour exercer le métier de consultant en Argentine. Je parle de l'année 1993. Ça remonte à loin. C'est ce qui m'a fait découvrir le nouveau continent, à l'époque où les grandes chaînes françaises, notamment, investissaient la région. J'ai accompagné cette dynamique d'expansion de retail sur toute l'Amérique latine. Je suis consultant spécialisé en catégorie management. Je dirais avoir lancé le Category Management sur toute la région d'Amérique latine, de l'Argentine au Mexique, pendant ces 25 dernières années, spécialisé également dans le comportement d'achat du shopper, puisque, avant même que le shopper soit la mode, c'est-à-dire, il y a 25 ans, nous réalisions déjà et nous continuons à réaliser sur le continent, notre société de base, des études shopper récurrentes sur toute la région de l'Amérique latine.

Jonathan: Tu accompagnes quel type d'enseigne ? Quelles sont les enseignes présentes justement en Argentine ?

Frédéric: Ça dépend beaucoup des pays. À l'origine, Carrefour avait une très grande présence sur la région, Casino également. On connaît les déboires de Casino actuellement. Carrefour reste très fort au Brésil et en Argentine, mais Walmart s'était déployé sur toute la région. Elle s'est retirée de certains marchés, dont le Brésil, l'Argentine, mais reste très fort sur la partie nord, dont le Mexique, l'Amérique centrale notamment, et un peu le Chili.

Jonathan: Moi, j'ai une culture très merch. J'ai beaucoup lu Jacques DIOUF. Je ne sais pas si tu connais le guide du Merchandising. J'ai une culture très terrain, chef de rayon, et on parlait beaucoup de merch. Le Category Management, moi, j'en ai entendu parler il y a seulement dix ans. Je n'ai jamais trop creusé le sujet. C'est quoi, ta définition du Category Management aujourd'hui ?

Frédéric: Le Category Management à 30 ans, peut-être qu'en France, ce n'est pas un terme qui est très utilisé. On n'utilise plus le Merchandising au niveau tactique ou technique. On parle beaucoup de techniques de Merchandising, de comment organiser l'offre et la faire valoir en point de vente. On est très basé sur une personne que j'ai eu le plaisir de rencontrer et d'inviter d'ailleurs en Argentine, il y a plus de 20 ans, Alain Wellhoff, qui est également l'auteur du livre qui a fait référence sur le Merchandising. Ce Merchandising est un ensemble de techniques. Ce que propose le Catagory Management, c'est surtout une approche plus stratégique qui permet de conduire les catégories dans le temps. C'est la grande différence entre l'aspect ponctuel technique : apprendre à prendre des décisions et piloter une catégorie. La chaîne est à même de piloter la catégorie dans le temps, c'est-à-dire quel programme, ce qu'elle attend de la catégorie à cinq ans, à trois ans, à un an, à un mois. Elle peut être associée à l'industriel pour être accompagnée dans ce déploiement d'initiative commercial.

Jonathan: Justement, dans ce contexte-là, tu crois beaucoup au Category Management interactif. Tu as fondé Open Catman pour pouvoir fluidifier les relations entre distributeurs.

Frédéric: La promesse originale du Category Management, qui a été créée par Brian Harris, était la collaboration. On parle d'une modalité collaborative, entre le fabricant et l'industriel, pour définir et piloter la catégorie. Ce qui est très intelligent, et ce qui a donné naissance vraiment à cette matière qui occupe, au niveau mondial, 50 000 postes créés qui porte cette intitulée Category Managers, autant du côté des industriels que des distributeurs. Le Category Management interactif est un terme que nous avons créé. Il inclut la collaboration industrielle chaîne, mais il est interactif surtout au niveau des mêmes chaînes de distribution, puisque nous nous sommes aperçus que le Category Management où cette fonction, auprès des scènes de chaînes de distribution, était centralisée dans un poste, mais n'était pas la ligne de conduite qui animait toutes les équipes de la chaîne pour prendre des décisions.

Frédéric: Nous avons comme principe que le pilotage de la stratégie commerciale des chaînes se réalise par catégorie et implique plusieurs niveaux auprès des chaînes. Les personnes chargées de la programmation commerciale, ça peut être le développement des ventes, il y a Category Management, mais également les achats, la logistique et surtout le point de vente. C'est ceux qui vont mettre en place les projets. Le Category Management interactif, c'est cette intention d'offrir un outil, on arrive à notre outil Open Catman, qui va permettre à toutes ces équipes de s'aligner sur les mêmes décisions à prendre ou les mêmes décisions prises sur la catégorie, pour mieux les définir, les anticiper et les mettre en place.

Jonathan: Très clair. Dans une tribune que je t'avais accordée, qui avait fait pas mal de bruit, je crois que tu l'avais publiée. Tu disais que cette notion de Category Management avait du mal à fonctionner en France, et tu t'appuies forcément sur ton expérience à l'étranger pour le dire. On va relister les cinq raisons que tu cites. Première raison : tu parles de culture du marché français qui ne repose plus sur la négociation à l'achat, qu'est-ce que tu entends par ça ?

Frédéric: Ce qui différencie les chaînes françaises des chaînes américaines notamment, c'est que l'avantage compétitif de ces chaînes se gagne par la capacité d'achat, c'est-à-dire que plus on est gros, plus on peut en imposer à l'industrie pour obtenir de meilleures conditions et pour autant déployer ces points de vente et obtenir sa marge. Ce n'est pas le cas aux États-Unis où le contexte légal ne permet pas de bénéficier de ce levier de volume, c'est-à-dire qu'il faut une équité concernant les conditions commerciales entre les différents acteurs de distribution. Que l'on soit gros ou petit, on ne peut pas obtenir de conditions commerciales différentes.

Frédéric: À partir de ce moment-là, les chaînes américaines se sont déployées sur l'intention de se différencier au niveau de leur productivité orientée vers le marché, vers le shopper. Arriver à commercialiser de façon la plus efficace possible est la plus en phase avec les demandes du marché pour arriver à construire cet avantage concurrentiel. Dès l'origine, la culture française, bien souvent, c'était le cas des chaînes également lorsqu'elles se sont implantées à l'étranger, a réussi lorsqu'elles ont occupé la première, deuxième ou troisième position dans le marché pour pouvoir imposer leurs conditions commerciales.

Jonathan: Ça, c'est intéressant. Je ne savais pas qu'aux États-Unis, c'était justement d'autres façons d'acheter.

Frédéric: Le contexte légal l'oblige, parce qu'on ne peut pas avoir de conditions de vente discriminatoire vis-à-vis des différents clients auxquels on vend nos produits.

Jonathan: Très clair.

Frédéric: Le Category Management est né aux États-Unis par cette inquiétude, c'est-à-dire qu'il y a un réel besoin d'efficacité de la catégorie, de la commercialisation, de séduction également du consommateur, puisque la différence entre une chaîne qui fonctionne et qui génère de la marge, se fera sur le marché et non pas sur les achats.

Jonathan: Deuxième raison : tu expliques que le marché français est dominé par les indépendants. On voit une tendance très nette chez Leclerc, HU et Intermarché qui ont des croissances assez importantes comparées aux enseignes dites intégrées. En quoi cela pose-t-il un problème pour le Category Management ?

Frédéric: Ce n'est pas forcément un problème. C'est un grand avantage, parce que c'est une structure très flexible qui fonctionne également, encore une fois, à la négociation, puisque ces structures négocient à différents niveaux : au niveau de la chaîne, de la centrale d'achat et de la centrale régionale, puis elles finissent par une dernière négociation au point de vente. On est toujours sur l'aspect négociation. Là où ça peut poser des difficultés, c'est que ces centrales d'achat n'arrivent pas à imposer dans chaque catégorie un modèle de fonctionnement, laissent, c'est bien ou mauvais, beaucoup de liberté au point de vente. C'est bien parce qu'effectivement chaque point de vente doit s'adapter à son marché, mais peut-être ce qui manque pour ces chaînes, c'est un cadre à fixer pour chacune des catégories, de ce qui est essentiel de pouvoir observer. Dans ce sens, je pense qu'il manque, au niveau des centrales d'achat, ce pouvoir, cette capacité d'orienter dans chaque catégorie les associés, les affiliés pour pouvoir prendre des décisions, et avoir une ligne de conduite au niveau de la façon dont seront commercialisées les catégories.

Jonathan: Elles proposent plus qu'elles n'imposent, elles n'ont pas le pouvoir, vu que les points de vente sont indépendants. Effectivement, ils ont toute l'attitude de faire un peu ce qu'ils veulent.

Frédéric: Oui. Elles proposent avec relativement peu de moyens, parce que ce sont des grandes lignes directrices. Je pense qu'on peut être plus précis au niveau des catégories, et on a besoin d'être plus précis au niveau des catégories, notamment au niveau du choix de l'assortiment. Quel est l'assortiment qui doit être mis en place dans chaque type de points vente et dans chaque région ? Au niveau de l'organisation de l'assortiment, je pense qu'il y a beaucoup à gagner en essayant d'homogénéiser l'offre au moins sur 70 pour cent des décisions à prendre au niveau du point de vente, pour arriver à gagner encore plus de points sur la concurrence.

Jonathan: Tu penses que ce serait un atout d'homogénéiser des catégories, même au niveau des indépendants ?

Frédéric: Je pense que ce serait un atout, tout en laissant un espace de liberté, puisque les chaînes, au contraire, trop centralisé, revendiquent ce besoin également. On n'est jamais dans le vrai, mais je pense que ce serait un atout pour pouvoir piloter dans le temps la catégorie et atteindre un objectif par catégorie, pour savoir très bien ce que l'on attend d'une catégorie et l'objectif que l'on veut atteindre dans cette catégorie, mais également pour savoir comment gérer l'équation opportunités croissance versus opportunité marge, parce qu'il y a toujours une balance, observé au niveau de mon ambition sur le marché au niveau de la catégorie, combien je suis prêt à investir par rapport à la concurrence pour gagner au niveau d'une catégorie, et combien je veux récupérer de marge.

Frédéric: Bien souvent, des visions de marge à trop court terme portent atteinte justement à l'ambition de croissance de la catégorie vis-à-vis de la concurrence. Au contraire, parfois, les modèles qui permettent de prendre des décisions utiles pour la marge de la catégorie peuvent être contraires au modèle d'achat généré auprès des chaînes. Il faut trouver un compromis pour pouvoir comprendre que toutes les catégories ne se gèrent pas de la même façon et avec la même ambition. Ça doit être un consensus au niveau des centrales d'achats derrière lesquelles il faut être assisté avec des modèles de gestion de chacune des catégories.

Jonathan: On en revient un peu au point trois que tu as commencé à évoquer. Tu dis aussi que le Category Management français manque de concret.

Frédéric: Ça, c'est une observation. J'ai eu la chance de travailler avec Brian Harris, et je continue à travailler avec Brian Harris. D'ailleurs, il va faire partie, encore une fois, d'un très grand séminaire qu'on organise sur toute l'Amérique latine. Si vous parlez espagnol, soyez présent le 3, 4, 5 octobre où Brian sera encore présent. Je cite Brian Harris parce que c'est un homme très pragmatique et un homme de terrain. Quand il parle de Category Management, il parle en termes très concrets. Une catégorie est un business unit au sein d'une chaîne. Chacune des personnes en charge de ce business unit doit être à sa charge, dont des achats effectivement, mais également de sa productivité et de sa croissance dans le temps. On est vraiment sur des notions très concrètes de comment piloter une catégorie à l'interne dans une chaîne.

Frédéric: Quand on parle de Category Management ou Merchandising en France, on est sur des considérations très philosophiques. Il y a eu, à mon sens, une mauvaise interprétation du Catagory Management écrit par Brian Harris par certains acteurs du marché. Je vais prendre un exemple. Le Category Management, on passe énormément de temps à définir le périmètre de la catégorie. Tous les commentaires et les versions sont pris en considération, et ça occupe à la fois le temps des industriels et des chaînes. Je pense que là, il n'y a pas de temps à perdre.

Frédéric: La catégorie, c'est un marché. Quelle est la lignée de ce marché ? Comment il se segmente ? C'est la seule intention qu'il y avait au niveau de cette première étape du Category qui s'intitule la définition de la catégorie. Nous, on interprète toujours en France, une définition qui se veut pragmatique, une opportunité pour pouvoir créer un débat, pour pouvoir échanger. C'est dans ce sens où, effectivement, je perçois que la France reste encore, avec ses grandes qualités d'ailleurs qui tiennent probablement des lumières, appliquée sur les processus de commercialisation.

Jonathan: Tu as un exemple de catégorie ou tu penses qu'on passe peut-être trop de temps à discuter ?

Frédéric: C'est plutôt des exemples d'avoir observé le temps que passent les industriels et t les distributeurs à parler et à définir la catégorie. C'est instructif, effectivement, mais cela doit représenter dix minutes de temps imparti dans tout le process. Toute l'action du Category Management, avant tout, doit être portée à l'aspect compétitif de la catégorie, à savoir combien de distributeurs sur mon marché ? J'ai un hypermarché dans la ville d'Antibes et je suis face à un Carrefour. Combien ai-je de part de marché sur la ville d'Antibes dans la catégorie de yaourt, par exemple ? La véritable question est comment progresse ma part de marché et comment j'ai traduit ma part de marché en marge ? C'est sur quoi doit être prise toute l'attention du distributeur. C'est son métier, mais également de l'Industriel qui l'accompagne.

Jonathan: Toutefois, on ne le fait pas assez aujourd'hui. En tout cas, pour travailler en magasin, j'ai l'impression que cette discussion, je ne l'ai jamais eue.

Frédéric: Non, et encore faut-il qu'on la fasse au niveau du magasin. Je pense qu'au niveau du magasin, on est très centré sur la marge, ce qui est très important effectivement, mais pas assez centré sur le coût, parce que c'est facile de faire de la marge, mais que quand on crée de l'immobilisation de produits avec trop de facing, qui n'a pas de rotation, ça représente du coût. Il faut mettre en relation la marge avec le coût. On n'est absolument pas centré sur la part de marché, parce qu'on ne sait pas l'objectif que l'on veut atteindre sur chaque catégorie. Avant même de mettre les mains dans le moteur, c'est-à-dire de définir combien d'assortiments pour chaque produit et à quel prix, faut-il encore savoir qui sont nos concurrents ? Combien nous avons de part marché ? Parce que ce n'est pas vrai pour toutes les catégories, si l'effort en vaut la peine à la catégorie que nous gérons, de faire un effort pour gagner sur la concurrence pour, par la suite, travailler sur les aspects coûts et marges de la catégorie. C'est ce que serait un Category Management, à mon sens, plus pragmatique.

Jonathan: Je vais rebondir sur ce que tu viens de dire encore. Tu parles de marge, de chiffre d'affaires et aussi d'assortiment, j'avais partagé un article, il n'y a pas très longtemps, qui disait que le fait de l'assortiment était devenu un levier pour la productivité des équipes. Est-ce que le Category Management intègre aussi cette notion de productivité, de management des équipes ?

Frédéric: Elle doit l'intégrer, parce que, derrière la notion d'assortiment, se pose un véritable problème industriel. J'étais en réunion hier avec une chaîne de distribution au Mexique qui est la première sur le marché, qui s'appelle Walmart. Les industriels qui travaillent avec Walmart au niveau des décisions d'assortiment, mais également d'espace pour 56 pour cent du marché mexicain, parce que Walmart a 56 pour cent du marché. Ça veut dire que le Category Manager qui travaille avec Walmart, qui est le Category Captain, qui provient de l'industrie, au moment où il va déployer deux ou trois facing d'une référence, va avoir un impact terrible au niveau du plan de production de sa compagnie ou de celle de ses concurrents.

Frédéric: Pour répondre à ta question, si on pilote une catégorie, j'aime bien ce terme, piloter la catégorie, dans le temps, chacune des décisions que nous prenons pour une chaîne, qu'elle soit cinq pour cent, 20 pour cent ou 50 pour cent du marché, aura une implication sur le travail de toutes les équipes en interne, auprès de la chaîne, mais également pour tous ces fournisseurs. Ce sont des décisions d'une lourde de conséquences, parce qu'en gérant une seule catégorie pour une enseigne nationale, on est à même de modeler le profil de demande de la catégorie dans le temps.

Jonathan: Raison numéro quatre, mais tu l'as déjà aussi un petit peu évoqué, tu dis que des plans d'implantation des produits n'aboutissent jamais.

Frédéric: Je vais partager, cette fois-ci, ce que j'ai observé au niveau des plans des Category Managers dans beaucoup de pays autres que la France, c'est assez généralisé. Ça inclut les États-Unis, l'Amérique latine, que je connais très bien. Souvent, on pense que le plan de Category Management se termine une fois qu'on a défini le planogramme. On a étudié le marché, on a fait un plan, on a fixé un score card. On sait exactement combien on doit progresser sur la période de la catégorie. Tout est merveilleux, on est tous d'accord, et on a planogramme qui représente la façon de matérialiser dans le point de vente le plan commercial.

Frédéric: Le jour du planogramme, c'est quand il arrive au point de vente, mais ce n'est pas son dernier jour, ce n'est pas du travail. Je pense qu'il y a beaucoup de confusion dans toutes ces équipes de Category Manager qui sont des stratèges, des personnes qui définissent des plans commerciaux, parce que le jeu du planogramme, c'est quand il arrive au point de vente. Je vais rattacher l'idée que nous avons évoqué du Category Management interactif. Notre application était créée sur ce principe de dire que nous n'avons pas comme objectif de créer des PDF pour représenter l'offre dans un point de vente, puisque, par définition, un PDF ne peut pas être modifié.

Frédéric: Notre application, nous l'avons créée sur le principe du Category Management interactif. Puisse que, dès lors que nous publions un planogramme dans le point de vente, chaque changement est à réaliser sur un Planogramme. Ça se passe tous les jours un nouveau produit, une substitution de produit, un produit sans stock. Décider depuis la centrale et informer directement au point de vente, c'est-à-dire que le point de vente accède en ligne à la version, en temps réel, du planogramme existant et conduit par le pilote de la catégorie. L'idée est très simple, mais ce qu'il faut gagner, c'est la mise en place des plans définis en centrale auprès des points de vente. Ça reste encore un enjeu pour la plupart des chaînes de distribution et des industriels qui travaillent avec ces chaînes de distribution.

Jonathan: C'est justement le point cinq, il n'y a pas de logiciel ou très peu sur le marché, ou souvent très lourd, qui rendent ce marchand d'interactif entre l'enseigne, l'industriel et le magasin.

Frédéric: C'est la raison pour laquelle nous avons déployé Open Catman, parce que Open Catman, malgré tout, le produit de 25 années d'accompagnement d'industriel et de distributeurs, est voué à cette tâche. Évidemment, il nous manquait quelque chose. Les produits existants, d'un point de vue technologique, sont très performants, mais ce sont des produits installés sur des ordinateurs et surtout dédiés à un seul opérateur, c'est-à-dire une personne qui sera à même, ou que l'on suppose être à même, de pouvoir prendre des décisions au niveau de la catégorie en fonction des objectifs. Je pense que là, il y a deux choses. Ce n'est pas à une seule personne de décider au niveau d'une organisation, mais il y a plusieurs postes de responsabilité qui sont impliqués. Le premier, c'est le service d'achat.

Frédéric: Chaque acheteur de chaque catégorie devrait, selon notre vision, élaborer et modifier sa catégorie au gré de chacune des négociations réalisées. Je finis une négociation avec Nestlé. Nous avons fait un accord. Au moment où je réalise l'accord, je modifie le master category à ce moment-là : combien de facing ? Comment ? Pourquoi ? Quelle promotion ? Au moment où je modifie cette catégorie, il y a effectivement une personne qui aura pour responsabilité le fait d'adapter ce master category par cluster de point de vente. Il y a toute une diversité ou une complexité derrière qu'il faut pouvoir gérer.

Frédéric: Au moment où j'incorpore une promotion à un nouveau produit, les points de vente, en temps réel dans leur cluster, sont informés du nouveau produit, de sa place en rayon, du nombre de facing à appliquer. Après, il reste à définir le degré d'autonomie du point de vente, parce que cela peut constituer une suggestion et être adapté par le point de vente ou non. Ça, c'est au gré des chaînes au niveau de la décision. Ce qui me semble opportun en termes de technologie, c'est une technologie qui est accessible pour tous au sein de l'organisation, qui permet à chacun d'accéder en temps réel à ce que devrait être la catégorie mise en place dans les points de vente.

Jonathan: Pour rebondir sur les outils, il y a aussi, j'imagine, de la formation. Est-ce que tu considères aujourd'hui que les points de vente sont suffisamment formés à ces enjeux de Category et de Merchandising ? Ou est-ce qu'ils ont tourné la tête dans le guidon ?

Frédéric: Je peux répondre non, mais je pense que les points de vente connaissent leur métier, même bien souvent plus qu'en centrale, mais ça, c'est autrement. Il faut surtout arriver à aligner les deux types de connaissance. Ce n'est pas difficile de rendre productif et linéaire. Ce n'est pas de la science nucléaire. Il y a quelques règles à observer. Peut-être faut-il simplifier le langage. C'est ce que nous avons essayé de faire auprès de notre outil Open Catman, parce que les inquiries qui permettent de réaliser des analyses et définir le nombre de facing sont très simples à comprendre. Nous essayons d'accompagner les décideurs, que ce soit en centrale ou en point de vente, à pouvoir prendre les bonnes décisions. Pourquoi va-t-on déployer cinq facing dans un point de vente ?

Frédéric: D'abord, pour assurer la disponibilité du produit face à la demande, ensuite pour prendre un objectif qu'on vient de fixer, la marge en pourcentage, le chiffre d'affaires en fonction de ce que l'on recherche. On essaie de simplifier finalement, grâce à l'outil, l'approche de la prise de décision, je veux dire merchandising, cette fois-ci, parce que là, on rentre dans le détail de la catégorie, pour que chacun puisse exercer une décision en centrale, mais également au point de vente, parce que le personnel du point de vente a bien souvent été sous-estimé quant à sa capacité de décision. Pourtant, c'est au niveau des points de vente que l'on réalise que l'on adapte tout ce qui est inadaptable au niveau de la catégorie, c'est-à-dire souvent des plans qui ne sont pas en phase avec la réalité.

Jonathan: Toi qui as une vision presque mondiale du retail, c'est quoi ta vision, ton analyse du retail en France comparé à ce qui se passe à l'étranger ? Il se passe beaucoup de choses en France en ce moment.

Frédéric: Il se passe beaucoup de choses en France. Je pense que le modèle prédominant en France des indépendants est un modèle formidable et très en avance. Il y a différents pays qui bénéficient de ce modèle sous forme de coopérative, je pense à l'Italie et à l'Espagne, ou sous-forme de commerce indépendant, par exemple Porto Rico, après Walmart, a une très grande présence d'indépendance sur le marché. Je pense que ce modèle est très favorable en France. Les Français restent de très bons commerçants également. On en a parlé au niveau de la négociation, de l'achat, de très bons négociateurs, mais je pense que les Français savent créer des flux au niveau des points de vente. Je pense que dans ce domaine, on est fort décidément. En revanche, je pense que l'on peut être meilleur au niveau de la planification commerciale.

Frédéric: Pour un commerce de retail, il faut comprendre qu'au niveau commercial pour une chaîne, la création de trafic, l'image prise, au niveau de la chaîne, c'est global, mais une fois que le shopper est dans le point de vente, il devient bailleur. Il devient acheteur. Je reprends les notions que nous avait enseignées George Chetochine, pour le citer, qui était mon professeur. Passer de shopper bailleurs, c'est-à-dire être dans le point de vente et de devoir décider de ce que je vais pouvoir acheter, représente une opportunité importante, parce que ce que je n'achète pas dans ce point de vente, je vais l'acheter auprès de la concurrence.

Frédéric: C'est peut-être là où le retail français a une opportunité, encore une fois, pour considérer le shopper, non pas comme un enjeu de salon philosophique pour ouvrir d'autres débats sur les grands enjeux de la consommation ou du comportement d'achat au point de vente, ça, on s'en fout. C'est plutôt pour comprendre quel est l'indice de conversion entre shopper et bailleurs au niveau de ma catégorie, sans réaliser les achats qui ne sont pas réalisés dans ma catégorie et dans mon point de vente et pour quelles raisons. Comment je programme ma catégorie dans le temps pour la rendre plus efficace par rapport à la concurrence et séduire le shopper qui a choisi mon point de vente pour réaliser une partie de ses achats ? Puisque plus personne n'est propriétaire du shopper, parce que notre shopper visite au moins cinq points de vente pour compléter les achats du panier familial.

Jonathan: Ce que tu veux dire, c'est qu'en France, on ne connaît pas assez nos clients comparés à d'autres pays ?

Frédéric: On les connaît très bien, mais encore une fois, pas dans un sens suffisamment pragmatique et local, tu fais très bien de le dire. Ces considérations, notamment grâce à la présence des indépendantes, doivent être menées ville par ville, c'est-à-dire que le plan de la catégorie doit être ajusté depuis un point de vente par rapport à la concurrence que vient ce point de vente. C'est notion compétitive qui reste encore un enjeu, je pense, auprès des chaînes de distribution. Puis pensez que notre seul atout de négociation pour créer un avantage concurrentiel compétitif n'est pas forcément suffisant aujourd'hui. Il va falloir chercher également à créer cet avantage au niveau du déploiement de l'offre sur le marché. Ce déploiement doit être organisé au niveau national, régional et local, effectivement.

Jonathan: Franchement, merci beaucoup, Frédéric. C'était très clair et fluide. C'était vraiment passionnant comme sujet. J'espère que ce le sera pour nos auditeurs.

Frédéric: Merci à toi, et encore félicitations pour tout le travail réalisé, Jonathan.

Jonathan: Merci à tous d'avoir écouté ce Podcast jusqu'ici. Pour retrouver des informations sur notre invité et accéder à différentes ressources, cliquez sur la description pour en savoir plus. Ce Podcast est produit par le média indépendant : Je Bosse en Grande Distribution. Chaque semaine, nous proposons un regard différent sur la vie des magasins, des enquêtes, des décryptages, des témoignages. Retrouvez-nous sur notre site, et rejoignez la première communauté des professionnels de la grande distribution sur Facebook, LinkedIn, Instagram, TikTok. Vous êtes plus de 450 000 à nous suivre. Vraiment un grand merci pour votre fidélité. Pour celles et ceux qui veulent aller plus loin, nous proposons toute une série de ressources et d'accompagnement à destination des commerces. Pour en savoir plus, cliquez dans le menu agence ou ressources sur l'accueil de notre site. À bientôt.

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Jonathan Le Borgne Twitter

Éditeur de Je Bosse en Grande Distribution. Passionné par la transition numérique des entreprises. Consultant, formateur et stratège en communication digitale pour la grande distribution.

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