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Les bornes électriques en zone rurale, un défi pas si simple pour la grande distribution

Reportage au Intermarché Hennebont, précurseur sur l'installation de bornes électriques, mais qui se pose la question de l'usage de la voiture électrique en zone rurale.
Les bornes électriques en zone rurale, un défi pas si simple pour la grande distribution

Dans un contexte où le développement durable devient l’affaire de tous, la grande distribution mène sa barque pour coller aux nouvelles attentes des consommateurs. Parmi ses nombreuses initiatives écologiques, le directeur Intermarché Hennebont et Intermarché Lorient Kerfichant, a installé une borne électrique sur son parking de 200 places situé en zone rurale. Retour sur investissement.

« Ma logique est basée sur un équilibre simple : respect de la planète et économies budgétaires. Chaque année, je fais un investissement pour améliorer le monde dans lequel on vit » martèle Sébastien Lemaire, patron de deux Intermarchés dans le secteur de Lorient. Bornes électriques, système de récupération de chaleur, éclairages LED, récupération d’eaux de pluie... Ses initiatives sont nombreuses. « Mais quand on est précurseur, il y a des fois où on échoue... » avoue non sans humour le chef d’entreprise.

Un échec qui se confirme pour la borne électrique mise en place sur le parking Intermarché Hennebont en janvier 2023. Comme le précise Sébastien Lemaire : « En milieu rural, les habitants parcourent en moyenne 40 km par jour pour se rendre au travail, aux courses, où à tout endroit nécessitant la voiture. Tandis que l’électrique reste financièrement moins attractif que le thermique à l’achat, les habitants du secteur à avoir sauté le pas ne sont pas très nombreux. »

Comment les bornes de voiture électriques envahissent les parkings de la grande distribution
Grâce à leurs parkings, les enseignes de grande distribution sont en première ligne pour augmenter le nombre de bornes de recharge électrique.

Recharge lente VS Recharge rapide

La borne en question mise en service sur le parking est une Izivia (EDF) équipée de deux points de charge, d’une capacité de 7 kW. Un modèle assez répandu en France. Tous les Intermarchés bénéficient pour l’heure du même système.

« À la base, j’ai voulu investir sur une recharge rapide mais on m’a freiné en me disant qu’il n’y avait qu’un quart des voitures compatibles. Dans la région, c’est clair, les voitures concernées par de la recharge rapide, c’est-à-dire des voitures très haut de gamme telles que Porsche ou Tesla, il y en a très peu... » concède le chef d’entreprise.

La puissance maximale des batteries définit la compatibilité des bornes de recharge avec le véhicule. À l’Intermarché d’Hennebont, le directeur a donc fait le choix de la recharge lente afin de convenir à tous les modèles électriques.

Mais lorsqu’il met en place la borne en janvier 2023, alors même que la France est en pleine crise énergétique et que le service est temporairement gratuit (durant trois mois), le service n’a pas tant de succès que ça... Seulement trois à quatre véhicules par mois.

« La réalité c’est qu’en milieu rural, au quotidien, les gens préfèrent charger leur véhicule dans leur garage, » justifie l’entrepreneur. La durée moyenne de courses dans cet Intermarché de 2000 m2 est de 20 minutes. « Est-ce que tout le monde va s’embêter à sortir son câbleur, brancher le véhicule pour faire ensuite la même chose en inverse... pour recharger trois, quatre kilomètres ? Poursuit-il. Ce système de recharge grande surface, c’est du biberonnage pour sécuriser les gens qui sont équipés de 100 % électriques, pas plus. Un peu comme les portables quand ils arrivent en fin de batterie... »

À titre d’exemple, avec ce genre de borne, pour recharger une Renault ZOE (batterie 52 kWh), il faudra compter en moyenne 5 h 30 à 9 h 30...

Une rentabilité illusoire

La loi d’orientation des mobilités (LOM) impose que les parkings des grandes surfaces aient au minimum 5% de places équipées de bornes électriques.

Selon Monsieur Lemaire « cette loi va à contresens de la réalité sur le terrain. Ce matériel n’est pas fabriqué en France, mais souvent en Asie, car la matière première, l’électronique, ce sont des composants qu’il faut aller chercher dans des mines. Je ne suis pas sûr de l’idée sociale et écolo d’obliger à installer autant de dispositifs sur un parking... Par contre ces bornes sont intéressantes car c’est l’avenir, on devra sortir un jour des voitures thermiques, le pétrole coûtera de plus en plus cher, donc il faut trouver une solution... L’électricité n’est pas forcément la bonne, mais on ne peut pas rester comme ça, il faut avancer. »

Aujourd’hui à l’Intermarché d’Hennebont, quatre à cinq voitures utilisent la borne tous les mois, jusqu’à dix cet été... Selon la loi, dans un parking comme celui-ci, dix à onze bornes devraient être installées. » Soit un coût de 150 000 € (15 000 € par installation). S’ajoutant à cela, 100 000 €, pour l’achat d’un transformateur afin de pouvoir produire autant d’électricité en simultanée. Sachant qu’une recharge de 20 minutes revient à l’utilisateur entre deux à trois euros...

« Tout ça ne sera jamais rentabilisé... donc qui paye ? C’est le citoyen dans ses courses. Moi ça va encore, je n’ai que 200 places, mais un parking comme Leclerc qui a 1000 places... Toutefois, je veux ne pas être retard sur ce qui va se faire demain, car ce qui est sûr c’est qu’il faut sortir du thermique. Je veux donc permettre aux gens qui ont cette conscience écologique de pouvoir être acteur de leur avenir. C’est aussi un atout d’image, les clients sont toujours contents d’aller dans un magasin qui respecte et qui s’engage pour la planète. »

Charge rapide, la solution en milieu rural ?

Dans son autre magasin situé à Lorient, Sébastien Lemaire prévoit d’investir durant les deux prochaines années dans une recharge rapide, dès lors qu’elle sera compatible avec tous les véhicules. Une solution développée en ce moment même par Les Mousquetaires, qui promettent à horizon 2024, une offre de bornes rapides les moins chères du marché (0,30 centime du Kw).

Le groupement Les Mousquetaires ne se lance cependant pas seul dans l’aventure. En effet, il s’associe à l’entreprise NW, un opérateur de bornes de recharge indépendant fondé en 2007 et présent en Europe et aux États-Unis. Les charges rapides ont la particularité d’avoir des batteries supplémentaires qui stockent de l’électricité en envoyant une forte charge à un moment T. Leurs coûts : entre 60 000 et 80 000 euros. « En tant qu’indépendant, il n’y en a pas beaucoup qui peuvent se permettre une telle charge financière, commente le directeur. Mais en milieu rural, la plupart des recharges longues se faisant au domicile, quid de l’arrivée des bornes rapides en grande surface ? »