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Un rayon confiture dans un supermarché

Comment lutter concrètement contre les ruptures en rayon

Les ruptures en rayon sont le quotidien des équipes sur le terrain. Voici un article pour comprendre et expliquer concrètement les causes et les conséquences de ces ruptures.

Jonathan Le Borgne
Jonathan Le Borgne

Par définition, le taux de rupture correspond au nombre de références absentes dans le linéaire rapporté au nombre total de références que ce même linéaire est censé détenir. Il est important de souligner que : 1 pt de rupture = - 0,5% de CA.

Les conséquences d’un taux de rupture élevé dans un point de vente sont lourdes. Cela se traduit par une baisse du CA et donc de la marge. Cela se traduit également par une détérioration de l’image du point de vente et une défidélisation des clients.

Heureusement, il existe des solutions pour faire baisser ce taux de rupture. On vous explique tout dans cet article.

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Article co-rédigé avec Philippe Rovira, ex-cadre de la grande distribution et formateur spécialisé. Cet article appartient à une mini-série de 10 articles + 10 podcasts.

Les conséquences d’un taux de rupture élevé

Le taux de rupture est un indicateur de performance à piloter avec rigueur. Un taux trop élevé a différents impacts sur le consommateur et sur l’enseigne.

Du coté du client

Confronté à une rupture, le client peut avoir 3 réactions :

  • Reporter son achat sur une autre référence : ce qui peut se traduire par une perte ou un gain de CA et de marge ;
  • Différer son achat : ce qui constitue une perte provisoire de CA et de marge ;
  • Faire son achat à la concurrence : ce qui constitue une perte définitive de CA et de marge ;

Dans les trois cas, la rupture va nourrir une insatisfaction chez le client qui peut se traduire (si les ruptures sont trop fréquentes et nombreuses) par sa défidélisation (perte définitive d’une partie de ses achats) voire même par son attrition (la perte définitive du client).

Du côté de la gestion des produits en rayon

Dans la gestion de rayon du quotidien, les ruptures ont des conséquences sur l’historique de vente des produits ce qui perturbe l’outil informatique dans son analyse des ventes et ses préconisations d’achats.

Si le produit est absent du rayon et que le système informatique ne le sait pas, il va intégrer les jours de rupture dans l’historique de vente des produits et considérer que le produit ne s’est pas vendu. Par conséquent, ses propositions de commande seront trop faibles et feront perdurer la rupture si nous n’intervenons pas.

De plus, le produit vers lequel le client va reporter son achat va connaître une accélération de ses ventes. L'ordinateur ne sachant pas que la raison est liée à la rupture d’une autre référence, va intégrer ces nouvelles ventes dans l’historique de la référence et nous fera des préconisations d’achats plus élevées ce qui aura pour conséquence de générer du surstock (voire même de la casse) lorsque les ventes vont retrouver leur niveau normal avec le retour de la référence manquante.

Les taux de rupture acceptables et les différents types de rupture

Avant 2020, les points de vente les plus performants, sortaient des taux de rupture de l’ordre de 1 % (voire même un peu moins !). Un taux correct oscillait entre 1 et 3%. Mais dans le contexte actuel ces taux sont devenus inatteignables.

Depuis la vague « Covid », les taux de rupture se sont envolés. Le taux de rupture des grandes enseignes avoisine les 5 %.

Depuis le début du conflit russo-ukrainien, d’autres ruptures se sont ajoutées et certains taux avoisinent même les 10% !

Rupture visuelle, partielle et totale

Il existe 3 grandes catégories de ruptures :

  • La rupture visuelle (du fait de la profondeur du rayon) : lorsque les premières ventes ont eu lieu, les produits restants, qui se situent au fond du linéaire, ne se voient parfois plus. Le client pensant que le produit est en rupture, ne l’achète pas ;
  • La rupture partielle: le produit est en réserve mais pas en rayon. La capacité de stockage du produit en rayon est trop faible par rapport au potentiel journalier de vente du produit. Il n’y a pas de réassort effectué dans la journée ;
  • La rupture totale: le produit n’est plus en stock dans le magasin (ni en rayon, ni en réserve) ;

Faire des « ruptures » un objectif du rayon

La maîtrise du taux de rupture doit figurer comme étant un objectif prioritaire parmi les objectifs d’amélioration de fonctionnement du rayon.

Idéalement il faudrait relever les ruptures, à l’aide d’un PDA, tous les jours afin de remettre à jour immédiatement les stocks. Mais cette charge de travail est souvent incompatible avec la réalité opérationnelle de nombreux rayons. Par conséquent, 2 relevés par semaine semblent être un objectif réaliste. 1 relevé un matin à 8h30 et un deuxième sur une autre journée à 17h (idéalement le vendredi).

Le relevé du matin nous apportera une vision sur les problèmes d’approvisionnement que nous rencontrons. Celui qui se fera au moment de la réouverture de 17h nous apportera un complément d’information : les problèmes de capacité de stockage insuffisante de certains produits qui ne peuvent être réassortis durant la journée (donc un problème de merchandising).

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Identifier les causes des ruptures et mettre en place les actions correctives

Heureusement, des solutions concrètes existent pour peaufiner la gestion de son rayon et éviter au maximum les ruptures.

Les causes des ruptures et les actions correctives à mettre en place

  • Fiabiliser son stock théorique : si le stock théorique n’est pas juste le RAO ne sera pas performant et générera soit une rupture soit un surstock. Il y a donc la nécessité de fiabiliser nos stocks théoriques. Cela pourra se faire en multipliant les relevés de rupture, en éditant tous les matins les stocks négatifs de son rayon, en fiabilisant l’organisation et la gestion de ses inventaires, en mettant en place des actions pour limiter la démarque inconnue.
  • L’inversion des produits : l’inversion des produits à la livraison crée de la rupture de stock ou du sur-stock. Par exemple, on reçoit le produit « B » alors que nous avons commandé le produit « A ». Si nous ne lui signalons pas l’anomalie, l’ordinateur considérera que le produit A est rentré normalement et ne fera pas la rentrée dans les stocks du produit B. La conséquence c’est que le produit A va tomber en rupture physique mais comme il aura du stock théorique l’ordinateur ne le recommandera pas car il considérera que le produit ne se vend plus (le rupture perdurera tant que nous ne redresserons pas le stock). Concernant le produit B, son stock physique sera supérieur à son stock théorique, l’ordinateur continuera donc à commander le produit générant ainsi un surstock (et potentiellement de la casse). Une inversion de produit générera donc deux anomalies. La solution est de multiplier les contrôles de nos livraisons afin de corriger le plus en amont possible les anomalies. Une autre solution est de multiplier les relevés de rupture et de surstock afin de mettre à jour les stocks.
  • Les retards de livraison : certaines livraisons peuvent nous arriver en retard (notamment les directs) et par conséquent cela peut générer des ruptures si notre stock de sécurité est trop court. Il est capital de travailler avec nos fournisseurs pour fiabiliser leurs livraisons. Si les anomalies sont trop fréquentes et préjudiciables nous pouvons mettre en place un système de pénalisation et si ce dernier ne permet pas d’améliorer le taux de service nous devrons changer, si nous le pouvons, de fournisseur.
  • Une démarque connue mal ou pas enregistrée : il est nécessaire de saisir la casse en veille de passage de commande (pour que l’ordinateur ait les stocks justes pour faire une préconisation pertinente). Si le personnel n’a pas saisi la casse d’un ou de plusieurs produits dans le système informatique, le stock théorique sera plus élevé que le stock réel et l’ordinateur nous préconisera une quantité qui ne couvrira pas les ventes. Il est donc nécessaire de fiabiliser la procédure de saisie de la casse.
  • Lutter contre la démarque inconnue : la mise en place d'inventaires tournants permettra d’identifier des anomalies de stock et de les corriger. La mise en place de procédures afin de bien identifier les flux internes (rétrocessions, casse client durant la journée, produits abandonnés dans les rayons ou en caisse, etc…) permettra de lutter contre la démarque inconnue.
  • Le paramétrage de l’outil informatique : le manager doit maîtriser et contrôler les différents paramètres renseignés dans l’outil informatique : stock de sécurité, stock minimum (ou de présentation), PCB, délais de livraison, etc… Il doit également veiller à la mise à jour de ces paramètres (réimplantations, saisonnalité, etc…).
  • Le merchandising : le manager doit s’assurer que les capacités de stockage de ses produits en rayon sont suffisantes pour absorber les ventes journalières s’il n’a pas la possibilité de réassortir les produits durant la journée. Cela passe donc par des facings adaptés. Ne pas hésiter à sortir les top et les flops (en volume, en CA mais aussi en marge) pour être certain d’implanter correctement.
  • Un historique de vente mal ou mal connu : lorsque l’ordinateur à un historique de vente pas fiable (comme par exemple des ventes réduites par des journées de rupture), la préconisation ne sera pas pertinente. Nous pouvons également rencontrer un problème d’historique avec les nouveautés. Notre objectif sera donc de fiabiliser l’historique et d’aller chercher si nécessaire, des informations auprès de nos fournisseurs et du marché). Il faudra également paramétrer l’outil de manière différente en augmentant par exemple provisoirement le stock de sécurité ou de présentation en attendant que la référence se construise un historique fiable (sans connaître la rupture).
  • La saisonnalité, les actions promotionnelles : les promotions et la saisonnalité ont une incidence majeure sur les ventes. Il faudra donc anticiper une entrée et une sortie de saison (respectivement en augmentant nos achats et en les réduisant via par exemple un levier ou un indice de pondération). Dans le cadre des périodes promotionnelles il faudra bien lier les références avec le permanent. Il sera également nécessaire d’exclure de l’historique de vente du produit permanent cette période de vente plus forte.
  • Les réserves mal rangées et les stocks trop importants créent des doutes quant à la structure et au contenu du stock théorique. De plus, un produit introuvable en raison d’un stock désorganisé fait perdre du temps aux collaborateurs. Avoir une réserve propre et structurée permettra de retrouver et de recompter plus facilement et plus rapidement un stock.
  • Les ruptures de produits auprès des centrales d’achat ou des fournisseurs directs : certains produits peuvent subir les conséquences d’une négociation difficile et disparaître (tout au moins provisoirement) des cadenciers. Il peut également arriver que le fournisseur soit en rupture et ne nous livre pas sur des périodes plus ou moins longues. Il faudra, dans les deux cas, aller chercher l’information le plus en amont possible pour pouvoir anticiper et acheter plus une autre référence vers laquelle les clients se tourneront lorsqu’ils seront confrontés à la rupture du produit qu’ils avaient l’habitude d’acheter.
  • Les étiquettes électroniques constituent de véritables outils d’aide à la gestion des ruptures. En effet, elles nous communiquent de précieuses informations (stocks théoriques, prochaines livraisons, etc…) et nous permettent ainsi d’anticiper ou d’être extrêmement réactifs lorsque nous sommes confrontés à l’anomalie.

L'éternel débat : faut-il afficher ses ruptures ou les cacher ?

Il existe un débat autour du fait de baliser ou non les ruptures d’un rayon; si l’on cache le fait qu’un produit est en rupture dans un rayon (en enlevant l’étiquette et en augmentant les facings des produits qui l’entourent), cela est peut-être mieux « visuellement » pour le rayon, cependant, le client peut considérer que le point de vente ne le vend plus.

Si, au contraire, la rupture est visible (avec idéalement un petit balisage adapté ou l’information disponible sur l’étiquette électronique), le client considérera que le produit va revenir. Il n’ira par conséquent pas faire ses courses ailleurs. Il diffèrera son achat ou se rabattra sur un produit équivalent en attendant.

De plus, si la rupture est apparente, il sera plus facile de l’identifier, de la saisir et d’y apporter une réponse pour y remédier au plus tôt.

Métier

Jonathan Le Borgne Twitter

Éditeur de Je Bosse en Grande Distribution. Passionné par la transition numérique des entreprises. Consultant, formateur et stratège en communication digitale pour la grande distribution.

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