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Vente en vrac : entre pertes et gaspillage, le modèle doit encore convaincre les magasins

Des innovations qui se succèdent. Des espaces dédiés pour initier l'achat en vrac. Si les enseignes multiplient les actions pour développer la vente en vrac, il doit encore convaincre les professionnels des magasins.

Jonathan Le Borgne
Jonathan Le Borgne

On le retrouve sous la forme de fruits secs, de céréales, de litière, de lessives... le vrac s'est fait une place dans les rayons. Et cette tendance devrait encore progresser puisque la loi Climat et Résilience rédigée dans le cadre de la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire) obligera les commerces de plus de 400 m2 à disposer de ce mode de vente d'ici 2030.

Alors forcément, la grande distribution multiplie les tests pour répondre aux enjeux de réduction des emballages (car c'est sa vocation première). Sauf que voilà, pour ce secteur la vente en vrac n'est pas vraiment leur savoir-faire et les magasins doivent s'adapter aux nombreuses nouvelles contraintes.

On fait le tour des interrogations et des retours des magasins pour comprendre les freins qui nuisent à son développement.

Le rayon vrac fonctionne, oui, mais à condition qu'on y passe du temps

Vendre du vrac c'est un métier. La grande distribution a encore beaucoup a apprendre pour rentabiliser son modèle : « au premier abord, on se dit que la grande distribution n'est pas faite pour le vrac : pas de rotation, pas forcément le lieu puisque les clients qui consomment du vrac achètent chez des spécialistes... c'est un service en plus pour le moment », explique ici ce chef de rayon.

Pour autant, les magasins qui investissent du temps parviennent à trouver leur modèle : « dans notre magasin, cela a pris quelques mois, mais ça marche bien. Il faut néanmoins être vigilant, car la durée de vie moyenne du produit en rayon est de 4 mois donc il faut surveiller les dates », explique ce chef de rayon fruits et légumes. Pour éviter la casse, ce dernier explique d'ailleurs « ne jamais remplir les bacs au complet sur les références avec des petites rotations pour éviter la casse» avant de conclure : « c’est un bon investissement niveau marge, mais ça demande énormément de suivi ».

Même constat avec ce chef de rayon : « c'est un rayon qui fonctionne à condition qu'il y ait une personne en permanence qui gère le stock, la réserve, le nettoyage, la casse, le remplissage, voire même quelqu'un qui fait la pesée pour les clients », explique-t-il, « chez nous, nous arrivons à attirer beaucoup de client adepte du bio et sensible au côté zéro déchet ou d’autres clients pour le côté diététique et sain des produits ». « Ce rayon a de l'avenir, mais il faut lui donner de l'importance », termine-t-il.

Pour la gestion et l'entretien, ces deux missions chonophages sont confiées parfois à un prestataire externe : « on travaille avec Juste bio qui passe régulièrement faire l'entretien et le remplissage », assure l'un d'eux.

Néanmoins, derrière certains magasins satisfaits, d'autres pointent la difficulté à entretenir ce type d'installation et la difficulté à mesurer les pertes et le gaspillage : « ça fonctionne très bien si c’est plein tous les jours, mais le revers c'est que ça génère pas mal de perte à cause du gaspillage. On a du mal aussi à contrôler les clients qui laissent les sacs à côté de la balance. Ça devient vite contraignant côté traçabilité et entretien », regrette l'un d'eux.

Perte, hygiène, gaspillage... les aléas du vrac

Car c'est là que le vrac a ses limites. Perte sèche, gaspillage, nettoyage... le vrac nécessite un savoir-faire que les magasins n'ont pas toujours.

Voici les 4 principales contraintes liées à la gestion du vrac en grande distribution

Première contrainte, les pertes : « quand je fais mes chiffres, j'ai l'impression qu'il y a pas mal de clients qui pèsent au moins cher des produits qui coûtent cher... C'est compliqué en caisse de contrôler au vu du nombre de références et on ne peut pas demander aux hôtesses de vérifier non plus », explique ce chef de rayon.

Deuxième contrainte, le nettoyage comme l'explique ce chef de rayon : « il est nécessaire de nettoyer les bacs régulièrement. Dans mon rayon, on a dû laver tous les bacs et deux jours après les avoir remplis, on a été envahi de mites. En tant que chef de rayon, je le vois comme une contrainte, mais ma direction souhaite les garder pour faire comme tous les magasins ». Comme lui, d'autres magasins déplorent la présence rapide de mites.

Troisième contrainte, le gaspillage. C'est un peu à contre-courant que l'idée première du vrac. Pourtant, les pertes sont importantes : « on s'est retrouvé un matin à tout vider pour dégager les mites. Dès présences de ces bêtes, nous sommes dans l'obligation de jeter la marchandise », déplore l'un d'eux.

Quatrième contrainte, le temps : « les meubles vrac demandent du temps. Ce n'est pas toujours facile à nettoyer, à désinfecter et à faire sécher dans de bonnes conditions. Il y a aussi toute une paperasse à remplir à chaque remplissage afin d'avoir la traçabilité de chaque produit... », regrettre cer employé en charge du rayon.

Au final, les rayons vrac - surtout dans l'alimentaire - réclament du temps et de la patience pour finir par entrer dans les habitudes des consommateurs. Selon les chiffres, le chiffre d’affaires du « sans emballage » représentait 1,3 milliard d’euros en France en 2020. La tendance est plutôt baissière ces derniers temps même si les prévisions estiment que la vente en vrac pourrait dépasser les 10% d'ici 2027.

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Jonathan Le Borgne Twitter

Éditeur de Je Bosse en Grande Distribution. Passionné par la transition numérique des entreprises. Consultant, formateur et stratège en communication digitale pour la grande distribution.

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