La nouvelle bataille des m² dans les hypermarchés

Ou l'ère du commerce de précision. On réduit pour mieux reconstruire.
La nouvelle bataille des m² dans les hypermarchés

Face à l'évolution des modes de consommation, les géants de la grande distribution repensent radicalement leurs surfaces. Entre réduction des hypermarchés et multiplication des formats, une guerre silencieuse se joue au mètre carré – et pas forcément celle de les augmenter, plutôt l'inverse.

L'annonce d'Auchan de réduire la taille d'une soixantaine de ses hypermarchés d'ici 2027 marque un tournant symbolique. Le projet « Cap 8000 », piloté par Guillaume Darrasse depuis son arrivée en avril 2024, vise à transformer 66 hypermarchés en trois vagues successives. L'objectif : amputer, ce n'est pas rien, 157 256 m² exactement de surface de vente, soit une réduction de 25% du parc total.

Pour l'enseigne, les très grands formats de 18 000 m² répartis parfois sur deux étages sont devenus obsolètes, tant en termes d'organisation que de management. Cette transformation illustre la remise en cause profonde du modèle des très grandes surfaces chez les enseignes intégrées, qui dominaient la distribution française depuis les années 1960.

L'équation implacable des surfaces

Les chiffres révèlent un écart de compétitivité critique et une dégradation alarmante chez Auchan. En quinze ans, le chiffre d'affaires au m² de l'enseigne a chuté de 30% et l'Ebitda de 97%. Avec ses 7973 euros de chiffre d'affaires au m², Auchan accuse un retard face à ses concurrents.

À titre d'exemples :

  • Le CA d'un E.Leclerc au m2 est de 9561 euros
  • Chez Hyper U il avoisine les 8502 euros
  • Chez Grand Frais il est de 10 600€

Ce différentiel s'explique notamment par la stratégie de très grandes surfaces d'Auchan (10397 m² en moyenne) face aux formats plus maîtrisés d'E.Leclerc (5262 m²) ou Hyper U (5836 m²). Ces derniers, organisés en réseaux d'indépendants, ont su préserver une meilleure productivité au mètre carré. Auchan espère inverser cette spirale négative en atteignant 10 000 euros/m² grâce à son format resserré autour de 8000 m².

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Grand Frais illustre parfaitement la voie à suivre avec ses 10 600 euros/m². Cette enseigne spécialisée dans les produits frais prouve qu'avec des surfaces réduites et une forte rotation des produits, il est possible d'atteindre une productivité exceptionnelle.

L'ère du « commerce de précision » et de la multiplication des points de contact

Le modèle de l'hypermarché traverse une phase de mutation complexe. Né en 1963 pendant les Trente Glorieuses pour une société de consommation de masse, il doit aujourd'hui s'adapter à de nouveaux modes de consommation.

Les attentes des consommateurs se sont diversifiées. Chez les clients :

  • certains recherchent les petits prix,
  • d'autres privilégient la provenance locale ou le bio.

La consommation est devenu plus hétérogène. Cette hétérogénéité pousse les enseignes à repenser leur offre standardisée pour proposer des solutions plus ciblées et segmentées.

« On a connu une société d’avant […] une société de masse, masse relativement homogène, versus une société aujourd’hui avec un monde complexe, beaucoup plus segmenté, beaucoup plus fragmenté. […] Là où on avait une cible homogène, stable, passive, on se retrouve avec un monde hyper fragmenté qui bouge et avec un consommateur qui est multifacette et qui change rapidement. », Jean-François Gomez sur le podcast dans une série consacrée aux évolutions du Retail.

Malgré ces défis, les hypermarchés conservent une position dominante avec 36% du marché des produits de grande consommation en 2025, et 90,9% des Français continuent de les fréquenter selon NielsenIQ. La question n'est donc pas celle de la disparition du modèle, mais de son évolution nécessaire.

Cette évolution se traduit concrètement dans les comportements d'achat. Selon une étude Kantar d'avril 2025, chaque foyer fréquente désormais en moyenne 9 enseignes différentes pour faire ses courses. Les consommateurs préfèrent multiplier les lieux d'achats pour trouver des offres ciblées.

Le succès du drive illustre parfaitement cette transformation. Les ventes ont doublé en dix ans, offrant une solution à la « corvée des courses » et aux files d'attente interminables. Même si ce service questionne le modèle traditionnel de l'hypermarché, il s'intègre dans l'écosystème des enseignes.

L'hypermarché de demain : plus petit, plus smart

L'e-commerce accélère la mutation des hypermarchés, particulièrement sur les achats non-alimentaires. En quatre ans, les activités « bazar » ont chuté de 14% en valeur selon Circana. Conséquence directe : certains hypermarchés suppriment l'électroménager de leur offre, libérant ainsi de précieux mètres carrés.

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