Foire aux Vins : Une tradition de 50 ans en quête de réinvention

un rendez-vous historique bousculé par le contexte actuel
Foire aux Vins : Une tradition de 50 ans en quête de réinvention

La « Foire aux Vins » (FAV) est depuis un demi-siècle un temps fort du commerce en France. Lancée en 1973 par deux supermarchés E.Leclerc bretons, elle s’est étendue à l’ensemble des enseignes de grande distribution chaque automne, permettant aux consommateurs de remplir leurs caves à prix promotionnels.

Toutes les chaînes, des hypermarchés, supermarchés, cavistes intégrés, voire sites Internet, s’y plient désormais religieusement. Cet événement a longtemps été synonyme de succès commercial, culminant à environ 1 milliard d’euros de ventes annuelles en 2022 d’après NielsenIQ. Cependant, dans un contexte de chute de la consommation de vin et d’évolution des comportements, la pertinence de maintenir ces opérations traditionnelles mérite d’être questionnée.

Malgré son aura historique, la Foire aux Vins semble aujourd’hui s’essouffler. Les ventes de vin déclinent, les consommateurs, surtout les plus jeunes, modifient leurs habitudes, et l’attractivité des grandes opérations promotionnelles n’est plus aussi évidente. Cette enquête fait le point sur :

  • les performances commerciales récentes des FAV dans les principales enseignes
  • l’évolution globale des ventes de vin en grande distribution,
  • les nouvelles tendances de consommation du vin en France,
  • la perception des consommateurs vis-à-vis de ces foires

Notre analyse.

États des lieux et performances commerciales récentes des Foires aux Vins en grande distribution

Bien que toujours significatives, les performances des foires aux vins affichent une tendance à la baisse ces dernières années. Selon une étude NielsenIQ, l’édition 2023 de la FAV (toutes enseignes GMS confondues) a réalisé un chiffre d’affaires d’environ 988 millions d’euros, en recul de –2,3 % par rapport à 2022. Surtout, les volumes écoulés durant la foire 2023 ont chuté de –4,9 % sur un an (et même –8,4 % vs 2021), repassant ainsi sous le seuil symbolique du milliard d’euros de ventes. Cette érosion s’est confirmée en 2024 : les panels Nielsen signalent une nouvelle baisse d’environ -3 % en volume et en valeur pour l’ensemble de la FAV d’automne 2024 comparé à 2023. La “grand-messe” annuelle du vin en GMS s’inscrit donc dans un trend négatif, après des décennies de croissance ou de stabilité.

Pourtant, la FAV reste un événement non négligeable dans le business du vin en supermarché. En 2023, ces opérations représentaient encore environ 16% des volumes annuels et 18% de la valeur des ventes de vin en GMS. C’est dire si, malgré le ralentissement, la grande distribution continue de s’appuyer sur la foire pour doper son rayon vin. D’ailleurs, les distributeurs rappellent que la FAV demeure un vecteur de trafic et de recrutement client en magasin. Le panier moyen des acheteurs y est nettement supérieur au reste de l’année, autour de 100€ par personne en 2023 (contre ~20–30 € habituellement), signe que les consommateurs profitent de l’occasion pour stocker et monter en gamme dans leurs achats.

Les performances varient toutefois selon les enseignes. Certaines ont réussi à tirer leur épingle du jeu récemment, grâce à des ajustements stratégiques.

Par exemples :

  • Carrefour a annoncé un bilan 2024 positif avec +3 % de croissance en volume et en valeur sur sa foire aux vins d’automne. Le distributeur attribue ce résultat à la bonne dynamique de ses supermarchés de proximité et de son canal e-commerce vin.
  • Monoprix revendique une hausse à deux chiffres (+10% en chiffre d’affaires et volume) sur la FAV 2024, après avoir mis l’accent sur des prix plus accessibles et une sélection resserrée – une stratégie apparemment payante.
  • La Coopérative U (Hyper/Super U) affiche pour la cinquième année consécutive une progression de son opération automnale : en 2024, le chiffre d’affaires du rayon vin sur la période a augmenté de +3% (à 60 M€), tiré par une offre sans casse excessive des prix. Le responsable vins de Système U souligne qu’aucune bouteille à moins de 2€ n’était proposée et que malgré tout la foire « a su séduire les amateurs de jolis vins » fidèles au rendez-vous.

D’autres acteurs affichent également une belle résistance.

  • Intermarché, par exemple, a profité de l’intégration de nouveaux magasins (anciens Casino) pour doper sa FAV 2024 et annonce +8 % de ventes (volume et valeur) par rapport à 2023. Les Mousquetaires revendiquent même avoir conquis 19 % de part de marché de la FAV d’automne, en hausse d’1,2 point. L’opération a attiré 1,4 million de visiteurs en trois semaines (+10 % de fréquentation) dans les Intermarché participants. Néanmoins, ce gain s’explique en partie par l’élargissement du parc de magasins participants (+5 % d’enseignes), alors que certains points de vente historiques se désengagent ou réduisent la voilure.
  • À l’inverse, le leader E.Leclerc, pionnier historique de la foire, semble marquer le pas. En 2022, la FAV de l’ensemble des Leclerc avait écoulé plus de 9 millions de bouteilles pour 105 M€ de chiffre d’affaires, faisant de Leclerc le champion incontesté de l’exercice.
  • Pour les autres enseignes, Auchan, Casino, Cora, elles ont probablement souffert, compte tenu du contexte de l'année passée et des magasins en cours de passation.

En résumé, les foires aux vins génèrent toujours des volumes conséquents et un chiffre d’affaires important pour les GMS (près d’un cinquième des ventes annuelles de vin), mais leur dynamique commerciale s’affaiblit. Là où il y a quelques années la plupart des enseignes affichaient des croissances, on observe désormais des résultats en demi-teinte, voire des reculs.

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