Chef de rayon, manager, directeur… Tous partagent un point commun : la pression du temps. Dans cette série de podcast, Philippe Rovira décortique avec lucidité les mauvaises habitudes, les urgences fabriquées et les postures inefficaces qui épuisent les équipes et propose des leviers concrets pour mieux piloter son agenda dans un environnement ultra-réactif.
L’illusion du “je n’ai pas le temps”
Première mise au point : dire “je n’ai pas le temps” n’est pas une fatalité, c’est souvent une absence de priorité. Philippe Rovira est clair : « En réalité, on a tous le même temps. Ce qui change, c’est ce qu’on en fait. »
Il distingue trois profils managériaux face au temps :
- Le pompier : toujours dans l’urgence, jamais dans l’anticipation. « Il court partout, il éteint des feux, mais il ne construit rien. »
- Le spectateur : passif, débordé, souvent dans la plainte. « Il subit les événements au lieu de les piloter. »
- Le pilote : il planifie, délègue, recadre, arbitre. « C’est celui qui dit non quand il le faut, qui se rend disponible pour l’essentiel. »
« Ce n’est pas qu’une question d’agenda. C’est une posture. »
Lutter contre le “temps parasite”
Un des constats les plus frappants de Philippe, c’est le volume de ce qu’il appelle le “temps parasite”. Il cite plusieurs exemples concrets :
- « Le manager qui fait dix fois le tour du rayon sans but. »
- « Celui qui s’interrompt vingt fois pour lire un mail ou un SMS. »
- « Les briefs trop longs, sans contenu, ou les réunions sans objectif. »
Tout cela fatigue, désorganise, et donne l’impression de ne jamais avoir assez de temps. Alors qu’en réalité, une grande partie pourrait être récupérée, réorientée, ou supprimée.
Il insiste aussi sur un point clé : « Si tu n’as pas de moment dédié à la planification, tu subis toute ta journée ». Il recommande de se réserver 30 minutes chaque jour – ou au moins par semaine – pour anticiper, répartir et piloter.
Déléguer, c’est piloter (pas lâcher prise)
Autre levier majeur : la délégation. Mais attention, déléguer ne veut pas dire abandonner. Philippe explique : « La vraie délégation, c’est : je t’explique, je t’accompagne, je te laisse faire, et je reviens contrôler. » Sans contrôle, la délégation devient du laxisme. Et sans accompagnement, elle devient un échec annoncé.
Il déplore que trop de managers fassent à la place de, par habitude, par rapidité, ou par méfiance. Résultat : « Le manager est épuisé, et les équipes ne montent pas en compétence. »
Il propose une règle simple : « Si quelqu’un peut faire à 80 % aussi bien que toi, alors il faut déléguer. Et accepter que ce ne soit pas parfait au départ. »
Oser dire non (ou pas maintenant)
Un autre point fort de l’épisode : la gestion des sollicitations. Philippe observe que beaucoup de managers n’osent pas dire non à une demande, même illogique ou mal placée. « Dire oui à tout, c’est dire non à ta propre organisation. »
Il encourage à formuler des refus constructifs :
👉 « Ce n’est pas prioritaire pour moi maintenant, mais je reviens vers toi à 14h. »
👉 « Je te propose de passer par Untel, il est plus à même de t’aider là-dessus. »
Il insiste : « Ce n’est pas de l’égoïsme, c’est du pilotage. »
Un manager efficace est aussi plus disponible pour les équipes
Enfin, Philippe rappelle que la maîtrise du temps libère de la qualité relationnelle. « Un manager organisé est plus présent pour ses équipes, plus à l’écoute, plus cohérent. » Et à l’inverse, « un manager débordé, stressé, fatigué… transmet ce stress à tout le monde. »
Il donne l’exemple du point d’équipe mal préparé : « Tu improvises, tu oublies des infos, tu communiques mal. Résultat : le message ne passe pas, les erreurs s’enchaînent, tu dois recommencer… et tu perds encore plus de temps. »
Conclusion : du temps choisi plutôt que du temps subi
La gestion du temps, dans un magasin, ce n’est pas un luxe. C’est un facteur de performance opérationnelle et un levier de bien-être managérial. Philippe Rovira le résume ainsi :
« Si tu veux être un bon manager, tu dois reprendre la main sur ton temps. »
Il n’y a pas de recette miracle, mais des pratiques simples, reproductibles, ajustables. Planifier, prioriser, déléguer, recadrer… et surtout, se poser régulièrement cette question :
👉 « Est-ce que ce que je fais maintenant est vraiment ce que je devrais faire ? »
Une posture lucide, responsabilisante et résolument tournée vers l’action. Exactement ce qu’il faut pour retrouver du souffle dans un secteur qui n’en manque pas… de challenges.