La place du local dans le quotidien d'un entrepreneur Coopérative U

Troisième épisode de notre série Build-in-Public où on parle cette fois-ci d'ancrage local et du modèle coopératif.
La place du local dans le quotidien d'un entrepreneur Coopérative U

On poursuit notre série où nous suivons de jeunes entrepreneurs dans le monde du retail. Cette série paptisée Build-in-Public invite à découvrir l'envers du décors de la grande distribution à travers le portrait de jeunes futurs et actuels patrons de magasin.

Avec Harold, on entame notre troisième épisode sur le podcast. Après avoir fait connaissance et après nous avoir expliqué ses premiers jours à la tête du magasin, on aborde dans ce troisième épisode la posture du chef d'entreprise dans son environnement, et plus particulièrement avec ses fournisseurs directs.

À travers le témoignage d’Harold Lebrun, associé Coopérative U et dirigeant de son magasin en Bourgogne, on comprend mieux les enjeux de l'offre locale : entre ajustement des linéaires, valorisation de l'économie locale et engagement coopératif.

Moderniser son magasin pour mieux répondre aux attentes locales

Dans ses débuts, Harold n'a pas quitté son envie de moderniser le magasin pour le mettre à son image. Il expliquait d'ailleurs en toute transparence « ne pas se sentir bien dans ce magasin ». L'associé U revient dans un premier temps sur son agenda chargé dans lequel il trouve une heure pour enregistrer cet épisode.

Parmi ce qui l'occupe en ce moment, les travaux de modernisation : « maintenant qu'on a fait le non alimentaire et le DPH, on va passer sur la partie frais. Il ne suffit pas d'avoir de beaux meubles, il faut aussi avoir des bons produits de qualité, que nos clients attendent », maintient le néo-associé U.

Cette dynamique d'amélioration permanente vise à créer un lieu de vie, pas juste un espace de consommation. Harold répète avec insistance la nécessité d'améliorer l'expérience client en magasin : « Mon magasin, en dehors d'être un magasin de grande distribution, c'est un lieu de vie. Autour d'une bonne régalade, autour d'un café, on peut aller lire un journal », soutient-il.

Comme lui, de nombreux dirigeants agissent en ce sens. Le point de vente a un rôle de proximité.

Ainsi, la rénovation structurelle est étroitement liée à la qualité de l'offre et à l'expérience client sur l'ensemble de la semaine : « Mes clients qui viennent du lundi au dimanche doivent être reçus de la même façon », explique-t-il.

S’impliquer au sein de la coopérative : un devoir pour les associés

Chez U, l’indépendance n’exclut pas l’engagement collectif. Comme chez Leclerc ou Intermarché, chaque associé se voit confier des missions pour contribuer au fonctionnement du groupement. Harold l’assume pleinement : « Quand on intègre la coopérative, on se doit de s'investir pour continuer son développement ».

Le jeune associé a déjà fait son choix. Il a choisi de s’impliquer dans la commission Achats, sur la catégorie DPH, une compétence et une catégorie qu'il maitrise : « Moi je reste convaincu qu'on est performant dans quelque chose qu'on aime faire », précise-t-il.

Néanmoins, sa mission n'a pas encore pleinement démarré. En attendant d'endosser ce nouveau rôle, il perçoit déjà l'importance de cet investissement : « En ce moment, ma priorité c'est de stabiliser le magasin et de finaliser les travaux d'ici juin. À partir du 1er juillet, j'espère pouvoir équilibrer mon temps entre le magasin et mes missions à la centrale », raconte-t-il.

Son implication s’inscrit dans une logique d'entrepreneur responsable, ancré localement mais attentif aux grands équilibres du groupement.

Le GEP : un espace d’échange entre associés sur le terrain

Outre la centrale, les associés U sont aussi organisés en GEP (Groupement d’Échange et de Proximité). Car avant même d’agir au niveau national, Harold participe à la dynamique locale à travers son GEP, un groupement à l'échelle du département où se réunissent d'autres associés U : « Ce GEP, c'est un moment d'émulation où on échange sur nos problématiques du quotidien », nous explique Harold.

Ces réunions régulières permettent de partager les bonnes pratiques, de faire remonter les besoins opérationnels et de renforcer l'esprit coopératif.

Même si le GEP n’est pas une centrale d’achat, il joue un rôle clé dans la cohérence régionale des magasins : « On a un animateur de GEP qui récupère les informations de la centrale et nous les redescend ».

Ces GEP offre un autre avantage du modèle coopératif : indépendant oui, mais pas isolé. L'idée de ces groupements est aussi d'assurer une cohérence d'enseigne.

Interrogé sur son degré d’autonomie, Harold revendique une liberté totale dans la gestion de son point de vente, tout en respectant l’identité U : « Je suis 100 % autonome. Mais il est important de se conforter à l'image de l'enseigne et aux stratégies nationales ».

L'indépendance est donc vécue comme une liberté responsable, qui suppose de conjuguer l'initiative locale avec l'adhésion aux valeurs collectives du groupement.

Développer le local : un levier différenciant et une attente client

En parlant d'autonomie, Harold a longuement insisté sur l'importance de l'offre locale, à la fois pour se différencier et pour répondre à une forte attente des consommateurs.

En tant qu'associé, le processus est clair : « Il y a un tronc commun proposé par la centrale, mais on reste libres d'intégrer les fournisseurs qu'on veut », explique notre invité. Et il illustre concrètement cette autonomie dans la construction de l'offre locale : « Si je veux intégrer un domaine de vin [en bourgogne] qui est juste à côté de mon magasin et qui n'est pas référencé par la centrale, ce n'est pas grave, je le fais ».

Le sourcing local n’est pas simplement une question de gamme : c’est un levier émotionnel qui renforce l'ancrage territorial du magasin : « Un apiculteur est récemment venu me voir et veut choisir les magasins où il est présent, pour rester aligné avec son image de qualité », raconte-t-il.

Une relation gagnant-gagnant avec les fournisseurs locaux

Contrairement aux clichés sur la grande distribution, Harold défend une relation respectueuse et équilibrée avec les producteurs locaux : « On n’impose rien. C'est gagnant-gagnant. Il faut que chacun trouve son intérêt de développement ». La négociation est réelle bien entendu mais elle est abordée de manière pragmatique et bienveillante : « Peut-être qu’on est capables de payer 20 ou 30 centimes de plus pour avoir la qualité qu'on veut ».

Cette relation locale repose sur la confiance et la reconnaissance mutuelle : « On fait le même métier au final », reconnait le jeune dirigeant.

S’il défend ardemment l’offre locale, Harold ne cache pas les défis que cela représente : « L’offre locale, parfois, n’est pas toujours présente comme on aimerait. Il y a des sujets de rupture ou de retards ». Pour y remédier, des outils digitaux sont utilisés pour fluidifier la communication et les commandes : « Notre outil informatique envoie directement les besoins aux fournisseurs locaux, sans forcément passer par le téléphone ».

Mais Harold souligne aussi la richesse de cette relation directe : « Peut-être qu'à 38 ans, j’ai envie d'automatiser un peu, mais dans 10 ans, je me ferai peut-être encore plaisir à appeler un domaine viticole ». La relation humaine avant-tout.

Pour clôturer, Harold évoque sa vision long terme et sa volonté de bâtir un lieu de vie durable. Le magasin qu'il construit n'est pas qu'un espace commercial, mais un lieu de rencontre et de vie : « C'est pour ça qu'on a rouvert la partie snacking le dimanche, et que j'ai racheté la presse de la galerie ». Et pour lui, cette mission sociale est indissociable de la stratégie commerciale : « 95 % des employés le dimanche, ce sont nos étudiants, qui en ont besoin ».