⚡ Des Outils, des Ressources et des Idées pour préparer le Commerce de Demain Plus d'infos

Comment la multiplication des écolabels est devenu une source de confusion pour les consommateurs et un obstacle à l'achat responsable

Plongée dans la jungle des « écolabels » environnementaux

Jonathan Le Borgne
Jonathan Le Borgne

Éco-score, Planet-score, Écolabel européen… L’étiquetage environnemental  des produits alimentaires a envahi les rayons des distributeurs et peut ressembler à un vrai casse-tête. Cette multiplication des labels peut en effet être perçue comme une source de confusion pour les consommateurs, voire même comme un obstacle à l'achat responsable.

Le fléau du gaspillage

Tout a commencé avec Nutri-score. Cette note, qui évalue les produits alimentaires selon leur qualité nutritionnelle, rencontre aujourd’hui un grand succès auprès des consommateurs.

Lancé en 2017, ce système de notation doit sa réussite à son système de notation clair et facile à comprendre. Entre temps, il a fallu réfléchir à des méthodes de notations aussi simples à comprendre permettant de noter l’impact environnemental des produits achetés par les Français. La première initiative n'était d'ailleurs pas française, mais européenne.

L’Europe pionnière pour faciliter identification des produits les plus respectueux de l’environnement

Créé en 1992 par la Commission européenne, l’écolabel représentait en effet déjà une première tentative de certification destinée à faciliter l’identification des produits les plus respectueux de l’environnement tout au long de leur cycle de vie. Vous avez tous sans doute déjà vu ce logo, représenté ci-dessous.

L’écolabel est aujourd’hui le seul label écologique officiel européen utilisable dans l’ensemble des États membres. Fondé sur la norme internationale ISO 14024, il prend en compte plusieurs critères, dont notamment l’approche liée au cycle de vie du produit (fabrication, recyclage, impact sur l’environnement, etc.)

Mais comment faire la différence entre les niveaux d’engagements d’un produit par rapport à un autre à partir d’un simple logo ? Un système de notation plus simple a donc été imaginé, donnant d’abord naissance au Nutri Score, et aujourd’hui à ses équivalents dans le domaine environnemental.

Deux labels se distinguent : l’Éco-score et le Planet-score.

Aujourd’hui, deux systèmes de notation sortent du lot et commencent à se reprendre sur les emballages des produits alimentaires vendus par les distributeurs : l’Éco-score et le Planet-score.

Premier à être apparu, l’Éco-score permet d’évaluer la durabilité d'environ 400.000 produits alimentaires. Ceux-ci sont notés sur une échelle de A à E en fonction de leur impact environnemental global. Le label prend en compte des critères tels que l'impact sur le climat, l'eau, l'air, la biodiversité, etc.

Tout le cycle de vie du produit est évalué (du champ au magasin, en passant par l’usine), et un visuel clair permet au consommateur de connaître le niveau d’engagement du produit.

Non-officiel, l’Éco-score est promu par un collectif indépendant composé de l’application Yuka, et des sites comme La Fourche, Marmiton, Foodchéri, ScanUp, etc. Rappelons toutefois que la marque ECO-SCORE est une marque déposée et restera propriété de l'ADEME. En effet, un droit d’usage temporaire a été accordé au collectif, en attendant la publication d’un dispositif officiel porté par les pouvoirs publics, d’ici la fin de l’année 2023.

💡
L’Éco-score actuel est aujourd’hui une initiative temporaire et qui est pourtant déjà aux prises avec la justice. L'International Federation of Organic Agriculture Movements (IFOAM), qui réunit les acteurs de la bio au niveau international, et l’Association française des adhérents de l’IFOAM, ont en effet saisi en janvier le tribunal judiciaire de Paris car ils sont en désaccord avec la notation de l’éco-score.

Enfonçant un peu plus le clou, Christophe Girardier, le président de la start-up Glimpact dont l’application propose également un système de notation environnemental des produits alimentaires, estime que le système de bonus-malus de l’Éco-score ne reposerait d’ailleurs sur « aucune base scientifique.» Une étude de Carrefour de novembre 2021 dévoilait de plus que les clients étaient parfois « surpris par les scores associés aux produits », certaines denrées alimentaires de marque distributeur ayant des notes meilleures que celles des marques premium.

C’est pourquoi Carrefour, comme d’autres enseignes, a décidé de tester d’autres approches, dont celle proposée par le Planet-score.

L’autre label indépendant français  

Second petit frère du Nutri-score, et dernier né dans la jungle des labels environnementaux, le Planet-score a été conçu notamment par l’Itab (Institut de l’agriculture et de l’alimentation biologiques).

Il est basé sur une méthodologie de calcul qui prend en compte l'ensemble du cycle de vie des produits, de la production à la consommation. Les produits sont notés sur une échelle allant de A à E, et répartis en trois grandes catégories :

  • Les pesticides
  • La biodiversité
  • Le climat

Un indicateur de bien-être animal est aussi intégré pour les produits contenant au moins 5% de produits animaux.  Le label est actuellement en phase de test et est disponible sur une sélection de plus de 3.500 produits vendus dans un grand nombre de distributeurs en France. (Carrefour, Auchan, Monoprix, Biocoop, Franprix, Intermarché, Système U, etc.)

Précision importante : comme pour son « concurrent » Eco-score, l’ACV constitue le socle de l’algorithme pour les évaluations du Planet-score, exception faite pour le bien-être animal, qui lui est une spécificité propre au Planet-score.

Dans cette guerre que se livrent les deux labels, et dans l’attente d’un éventuel futur label gouvernemental qui pourrait venir rabattre les cartes (et remettre aussi de l’ordre dans la tête des consommateurs et des producteurs !), l’UFC-Que Choisir semble néanmoins avoir déjà choisi son camp.

L’association soutient en effet le Planet-score, les tests réalisés démontrant que ce label classe les aliments en « cohérence avec les scénarios les plus réalistes de transition agricole et alimentaire ». Toujours selon l’UFC-Que Choisir, les enquêtes auprès des consommateurs soulignent que le système d’affichage du Planet-score est plébiscité par eux, car «  répondant à leur attente de mieux connaître l’impact environnemental des produits ».

L’étiquetage environnemental : un effet pervers ?

Un constat s’impose au final. Il y a aujourd’hui une vraie « guerre des labels » concernant l’étiquetage environnemental ! D’un côté, on ne peut que se féliciter d’avoir plus d’informations concernant l’impact environnemental des produits que nous achetons, mais la multiplication des labels peut aussi rendre le marché encore plus opaque.

En offrant aux distributeurs la possibilité de choisir les labels qui conviennent le mieux à leurs produits, plutôt que de respecter des normes scientifiques rigoureuses et adoptées par tous, cela peut conduire à une situation où les labels deviennent un outil de marketing plutôt qu'un moyen de garantir la durabilité et la qualité des produits.

Il est donc primordial d’assurer que les labels soient appliqués de manière cohérente et transparente dans toute la chaîne d'approvisionnement, afin d’éviter les pratiques de greenwashing.

Le salut viendra-t-il du Gouvernement… ou de Bruxelles ?

Rendez-vous est donc pris d’ici la fin 2023, puisque dans la phase d’expérimentation visant à tester différents systèmes d’affichage, le ministère de la Transition écologique en charge de l’affichage environnemental a confirmé qu’il voulait définir une méthode d’affichage environnemental unique avant la fin de l’année. Les systèmes de notation et les critères d’évaluation seront-ils harmonisés d’ici là ? Pour l’instant, rien n’est moins sûr. En attendant un éventuel « cadrage » européen, prévu à l’horizon 2025-2026 ?

💡
Article avec le soutien de l'ADEME dans le cadre du plan Agir pour la Transition

RSE

Jonathan Le Borgne Twitter

Éditeur de Je Bosse en Grande Distribution. Passionné par la transition numérique des entreprises. Consultant, formateur et stratège en communication digitale pour la grande distribution.

commentaires