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Insultes, violence et pauvreté : comment les caissières sont exposées aux maux de la société

Le métier de caissière, aussi menacé soit-il par l’automatisation, est indispensable pour la grande distribution. Vitrines du magasin, elles sont les yeux et les oreilles de la population.

Jonathan Le Borgne
Jonathan Le Borgne

Elles sont nombreuses à le confirmer, être caissière c’est faire 10 métiers à la fois. Bien plus que de scanner des articles qui déambulent sur un tapis roulant et d’encaisser les clients, les hôtesses de caisse – on parle volontairement au féminin, car le métier est 95% de femmes – sont le témoin de la société.

Derrière les bip-bip du quotidien, l’hôtesse de caisse est de celle qui scanne les comportements des clients, analyse et scrute leur comportement d’achat. Des yeux précieux qui examinent les modes de vie des consommateurs. À les écouter, on se rend vite compte de leur rôle sur le terrain et le rapport qu’elles entretiennent avec les clients.

« Quand on commence à faire ce métier, on se dit que c’est l’histoire de quelques semaines et puis en fait on y reste. Moi ça fait 10 ans que ça dure », raconte cette hôtesse de caisse, « en 1 an, on apprend plus sur l’humanité que tout le reste de ma vie », ajoute-t-elle.

Le métier n’a rien de facile. Largement exposées durant cette crise sanitaire qui n’en finit plus, les hôtesses ont largement été remerciées par les responsables politiques et applaudis par les clients. Quelques mois après, les sourires et marques de respect ont presque disparu : « les clients ne réalisent pas à quel point de métier est difficile. Malgré ça, on en voit toujours des casse-pieds où il faut se plier en 4 pour avoir un bonjour », s’insurge cette employée.

Au coeur des insultes et des moqueries

Les insultes, elles sont nombreuses à les subir « au moins 30 fois par jour », explique cette autre hôtesse, « les clients sont devenus égoïstes, irrespectueux » tout en ajoutant «qu’il y a 10 ans on ne voyait pas ».

« La société a changé », remarque cette autre hôtesse de caisse, « les clients font preuve d’irrespect », s’inquiète cette même hôtesse de caisse. Subir les insultes semble aujourd’hui faire partie du quotidien : « elles font partie d’une journée banale dans mon magasin, maintenant je suis plus choqué quand on tombe sur des gens polis, sympas et civilisés, c’est devenu tellement rare », ajoute-t-elle avec une pointe de sarcasme. « Quand un client est sympa, je me demande toujours où est l’entourloupe ? », ajoute même une autre membre de la communauté.

Les clients désagréables, elles sont nombreuses à nous remonter leurs anecdotes plus ou moins malheureuses du terrain : « on s’en prend plein la gue*** tous les jours. Un jour un client a insisté devant moi que nous n’avions pas un vrai métier et que des robots allaient prendre notre place », s’énerve cette hôtesse de caisse, « il ne se passe une semaine sans les gens nous prennent à partie ».

Pour cette hôtesse de caisse, le constat est même plus grave : « j’ai perdu un emploi à cause d’un client », commence-t-elle, « ce jour-là, j’avais un couple de clients en face de moi. Au moment de scanner leurs achats, un déo tombe du tapis. Voulant faire de l’humour, la femme me dit “ah, si c’est tombé, c’est gratuit”. J’ai esquissé un sourire, mais je n’ai pas ri à sa blague ce qui l’a vexée. Il a fallu que lui explique que “désolée madame, cette blague je l’entends 30 fois par jour”. La cliente a fini par s’énerver et à m’engueuler en disant “si vous êtes comme ça, faut pas s’étonner d’avoir un boulot de merde”. Fin de l’histoire, j’ai fini convoqué par la direction, car la cliente était allée se plaindre de mon comportement à l’accueil. Mise à pied le jour même et j’ai perdu mon emploi quelques jours plus tard ».

Autre anecdote, cette fois au drive : « un jour un couple de personnes âgées arrive à l’accueil du drive pour récupérer sa commande. Sauf qu’on ne trouve pas leur commande sur notre écran. On leur a expliqué que leur commande n’existait pas et on leur suggérer de vérifier si leur demande provenait par hasard d’un autre magasin. Le mari a commencé à s’énerver et à me tenir fort par le bras. Après vérification, leur commande avait été réalisée dans un magasin concurrent voisin », raconte-t-elle. « mon manager a dû intervenir. Au final, c’est le magasin qui a dû s’excuser alors que l’erreur était chez eux ». ajoute-t-elle.

Des yeux ouverts sur l’évolution de la société

Être caissière c’est être exposé aux allées et venues des clients. Au-delà des insultes, elles sont aussi au coeur des populations. Pour les plus expérimentées, elles assistent à l’évolution des moeurs, aux situations personnelles difficiles, à l’évolution de la pauvreté… le passage en caisse est devenu un vrai marqueur social peut-on comprendre on lisant les commentaires laissés.

Être en caisse c’est un peu comme « rentrer dans l’intimité des gens », confirment plusieurs d’entre elles. « Quand on voit des clients en caisse avec une bouteille de champagne et des préservatifs, il arrive de sourire », raconte cette hôtesse de caisse. Selon les articles présents sur le tapis, nombreuses devinent le quotidien des consommateurs.

Sauf que la réalité est aussi toute autre. « On est exposés à la misère humaine. Quand on voit des caddies remplis de produits eco+ et une mère avec trois enfants, on lit sa tristesse dans son regard au moment du paiement. », explique cette hôtesse tout en complétant que « ce genre de scène on en voit de plus en plus ».

« En début de mois, au moment du versement des allocations, ce sont les mêmes clients qui reviennent avec des caddies pleins à craquer », observe cette hôtesse de caisse qui concède analyser le contenu des articles : « le pire c’est de voir comment les gens se nourrissent : du whisky, des bières premier-prix, c’est compliqué de ne pas juger », explique-t-elle.

« Une fois à ma caisse, un mari montrait des signes d’agressivité et d’impatience. La femme déchargeait alors que lui attendait derrière le caddie pour qu’elle dépose les articles plus rapidement. D’un coin de l’oeil, on scrute le comportement, mais on ne peut pas se permettre de juger et d’intervenir. Au moment de payer, je vois des marques autour de ses poignets, comme des bleus, et vite fais le rapprochement avec le mari. On se sent impuissantes », raconte cette hôtesse.

La prochaine fois que vous passez en caisse, pensez à elles.

Métier

Jonathan Le Borgne Twitter

Éditeur de Je Bosse en Grande Distribution. Passionné par la transition numérique des entreprises. Consultant, formateur et stratège en communication digitale pour la grande distribution.

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