Ce qui s'est dit lors de la table ronde consommateurs sur les marges grande distribution

Table ronde au Sénat : associations de consommateurs et experts décryptent les dysfonctionnements de la grande distribution, entre inflation alimentaire, opacité des marges et accessibilité d'une alimentation saine.
Ce qui s'est dit lors de la table ronde consommateurs sur les marges grande distribution

Une table ronde organisée par la commission d'enquête parlementaire sur la grande distribution a réuni quatre acteurs majeurs de la défense des consommateurs pour dresser un constat sans appel : l'inflation alimentaire est devenue structurelle, et le système de répartition de la valeur profondément déséquilibré.

Marie-Amandine Stévenin, présidente de l'UFC-Que Choisir, François Carlier, délégué général de CLCV, Nadia Ziane, directrice du service juridique de Familles Rurales, et Olivier Dauvers, journaliste spécialiste de la grande distribution, ont mis en lumière les mécanismes qui pèsent aujourd'hui sur le pouvoir d'achat des ménages, la rémunération des producteurs, et la cohérence entre politique alimentaire et santé publique.

Fruits, légumes, viande : pourquoi la grande distribution perd de l’argent sur les produits frais
-4,5% en fruits et légumes, 1% de marge nette globale : les chiffres de la distribution française donnent le tournis. Analyse d’un secteur qui sacrifie sa rentabilité sur l’autel de la fraîcheur pour retenir ses clients.

L'inflation alimentaire : un plateau haut qui ne redescend pas

Le constat de François Carlier est sans appel : « Quand on a connu 18 % d'inflation sur l'alimentaire, puis encore 2 ou 3 % l'année suivante, il ne faut pas croire que les prix baissent. On reste sur un niveau très élevé, un plateau haut, que les consommateurs ressentent très fortement. »

Cette perception n'est pas qu'une impression. Le délégué général de CLCV résume le sentiment dominant : « Pour le consommateur, c'est simple : les prix montent vite, mais ils ne redescendent jamais, même quand on parle de désinflation. » Le ticket de caisse reste objectivement élevé, et cette réalité pèse lourdement sur les budgets.

Cette situation crée une incompréhension profonde. « Il y a aujourd'hui une vraie incompréhension entre ce qui se passe sur les marchés des matières premières et ce que les consommateurs voient en rayon », explique François Carlier. Quand les cours mondiaux baissent, ces diminutions ne se répercutent pas sur les prix de vente.

L'inflation alimentaire n'est plus perçue comme un accident conjoncturel. « Elle n'est plus perçue comme temporaire. Elle s'est installée dans le quotidien des ménages », poursuit-il. Au-delà du niveau absolu des prix, c'est aussi leur opacité qui pose problème : « Le vrai problème, ce n'est pas seulement le niveau des prix, c'est aussi l'opacité de leur construction. »

Marges et péréquation : une logique qui interroge

Le fonctionnement économique de la grande distribution repose sur une logique de péréquation que les associations de consommateurs remettent en question. « La grande distribution pratique une péréquation des marges : certaines références très connues ont des marges faibles, compensées par d'autres produits », explique François Carlier.

Les produits ultra-transformés jouent un rôle particulier dans cette stratégie. « Les produits ultra-transformés servent souvent de produits d'appel, avec des marges très faibles », précise-t-il. Mais cette tactique masque une réalité plus complexe : « Les marges les plus élevées se concentrent sur les produits bruts, notamment les fruits et légumes. »

Cette répartition crée une situation paradoxale du point de vue de la santé publique. « On se retrouve avec un paradoxe : les produits les plus sains sont ceux sur lesquels on fait le plus de marge », constate François Carlier. Conséquence directe, « cette logique de marge oriente les promotions vers les produits les plus gras, les plus sucrés, les plus salés », au détriment des produits frais essentiels à une alimentation équilibrée.

Fruits et légumes : l'équation impossible

Le cas des fruits et légumes cristallise toutes les contradictions du système actuel. « Sur les fruits et légumes, il n'y a quasiment pas de transformation, et pourtant l'écart entre le prix payé au producteur et le prix payé par le consommateur est considérable », souligne François Carlier.

L'exemple de la pomme est particulièrement éclairant. « Sur une pomme conventionnelle vendue autour de 2 euros le kilo, le producteur touche un peu plus d'un euro, tandis que la marge brute du distributeur approche les 90 centimes », détaille-t-il. La situation empire en bio : « La marge brute du distributeur peut être supérieure au prix payé au producteur. »

Pour lire la suite de cet article, vous devez vous connecter