Depuis quelques mois, nous créons une collection unique de magazines dédiés aux métiers du commerce et aux transformations du retail.
Chaque numéro offre une enquête approfondie, des témoignages exclusifs, des analyses terrain et des perspectives que vous ne trouverez nulle part ailleurs.
Des lectures indispensables pour comprendre les mutations du secteur et anticiper celles qui arrivent.
Découvrir les magazines 100% digitaux →
Selon les derniers chiffres d'une récente étude, 72% des cadres du commerce alimentaire sont issus de la promotion interne. Un chiffre qui détonne dans le paysage économique français, où les diplômes et les réseaux semblent régner en maîtres. Mais derrière cette statistique se cache une réalité : il faut en moyenne 15 ans pour passer d'employé à cadre. Alors, véritable tremplin social ou parcours du combattant ?
Les chiffres qui racontent une autre histoire
Les données sont têtues. Dans le commerce alimentaire, 35% des effectifs ont moins de 29 ans, contre 25% en moyenne nationale tous secteurs confondus. Chaque année, environ 20 000 alternants sont recrutés, dont près de 20% de jeunes non diplômés. L'ancienneté moyenne des collaborateurs atteint 11,8 ans, légèrement supérieure à la moyenne nationale de 11 ans. Et surtout, 90% des salariés sont en CDI.
Ces chiffres dessinent un modèle qui semble appartenir à une autre époque : celle où l'on entrait dans une entreprise sans diplôme prestigieux, où l'on y faisait carrière, où le temps et l'investissement personnel primaient sur le pedigree académique.
Du rayon à la direction : 15 ans de terrain
La trajectoire type ? Elle commence souvent en caisse ou en rayon. Employé libre-service, hôte de caisse, parfois même étudiant en job d'été qui finit par rester. Puis vient le passage obligé par le statut d'agent de maîtrise – chef de rayon, adjoint de secteur – avant d'accéder, pour certains, aux fonctions de cadre : responsable de secteur, directeur de magasin, directeur régional.
« J'ai commencé comme stagiaire, puis chef de rayon, responsable frais, adjoint... On m'a proposé le poste de directeur à 25 ans, mais j'ai refusé, je n'étais pas prêt », raconte ici un responsable de magasin. « Mon patron était un homme juste et droit, on avait plaisir à travailler, on riait tous ensemble. C'était un véritable esprit de famille dans le boulot. C'était en 95... Aujourd'hui, c'est différent, les jeunes patrons sont plus difficiles à comprendre », raconte ici un responsable de magasin.
Quinze ans. C'est le temps moyen nécessaire pour gravir tous ces échelons. Quinze années à apprendre le métier par le terrain, à comprendre les flux, à gérer les équipes, à maîtriser les marges au centime près sur les produits frais. Quinze années pendant lesquelles d'autres secteurs auront vu défiler trois générations de jeunes diplômés parachutés à des postes de management.
« C'est le secteur qui permet sans doute le plus l'ascension sociale », explique un manager. « Combien de directeurs de magasin ont commencé par un job étudiant ? Beaucoup... Après, malheureusement, de plus en plus, ce sont des familles ou des groupes qui possèdent les grands magasins et qui grossissent, ils y mettent leurs enfants à leur tête », finit par regretter un jeune manager.
Cette durée peut sembler décourageante. Elle est pourtant la garantie d'une chose : dans la distribution, on ne devient pas directeur de magasin en sortant d'école de commerce avec une belle présentation PowerPoint. On le devient parce qu'on sait ce que c'est que de gérer une rupture de stock un samedi après-midi, de négocier avec un fournisseur récalcitrant, de remotiver une équipe fatiguée en période de fêtes.
