« Avant on parlait produit, maintenant on parle marge », Frédéric, 30 ans de grande distribution

Avec 30 ans d'expérience dans l'agroalimentaire, Frédéric a vu le métier de commercial en grande distribution se transformer radicalement. « Il y a 30 ans en arrière, on se tapait dans la main, on va dire à l'ancienne. On parlait produit avant de parler marge »
« Avant on parlait produit, maintenant on parle marge », Frédéric, 30 ans de grande distribution

Avec trois décennies d'expérience dans l'agroalimentaire, Frédéric incarne cette génération de commerciaux qui a traversé toutes les mutations de la grande distribution. Aujourd'hui chef de secteur dans l'univers des sushis, il livre un témoignage franc sur l'évolution profonde d'un métier devenu méconnaissable. Retrouvez l'intégralité de cet échange en audio dans le podcast Je Bosse en Grande Distribution.

À 58 ans, Frédéric peut se targuer d'un parcours impressionnant : 30 années passées exclusivement dans la grande distribution et l'agroalimentaire. Comme il le résume lui-même : « J'ai 30 ans de grande distribution et 30 ans principalement dans l'agroalimentaire. La GMS uniquement, c'est vraiment mon cœur de métier. »

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Retrouvez aussi le premier et le second épisode de la série sur toutes les plateformes d'écoutes.

Son parcours l'a mené de la charcuterie à la volaille, en passant par les fruits et légumes, avant d'atterrir il y a trois ans et demi dans un secteur porteur : les sushis. Un positionnement stratégique sur un marché en pleine expansion, comme il l'explique : « Maintenant la grande mode, c'est l'onigiri. On a eu l'effet post-Covid avec tout ce qui était les pokés au saumon, les pokés aux poulets. Et là depuis quelques mois, on sent un vrai engouement sur la gamme onigiri. »

L'un des changements les plus marquants concerne l'apport des réseaux sociaux dans le quotidien commercial. Frédéric reconnaît sans détour que son produit porteur facilite grandement son travail : « On m'appelle beaucoup, on m'appelle beaucoup, c'est aussi là-dessus que le métier a changé. On a nos chers réseaux sociaux qui font que maintenant le visuel, que ce soit Instagram parce que c'est quand même une belle vitrine, l'LinkedIn, font que on est présent très rapidement et l'engouement se fait grâce aux influenceurs. »

Cette présence digitale représente désormais une part significative de son activité. « Je travaille beaucoup avec les réseaux, notamment LinkedIn bien évidemment, ça représente entre 20 et 25 % de demandes, des demandes très régulières, c'est sur toute la France. »

Contrairement à beaucoup de ses confrères, Frédéric a parfaitement intégré LinkedIn dans sa stratégie commerciale : « J'essaye de faire une à deux publications par semaine. J'ai un très gros taux de retours et de vues et d'interactions. Et j'ai beaucoup d'échanges aussi. »

De la poignée de main à la tablette : une mutation radicale

Le constat de Frédéric sur l'évolution du métier est sans appel. La grande distribution d'il y a 30 ans n'a plus rien à voir avec celle d'aujourd'hui. « Il y a 30 ans en arrière, on se tapait dans la main, on va dire à l'ancienne. On avait une vraie négociation, un vrai dialogue. On parlait produit avant de parler marge. On parlait produit, le prix venait après, mais il y avait une vraie négociation, un vrai échange. »

Aujourd'hui, le paradigme a complètement basculé : « Pour arriver maintenant à une négociation qui est surtout basée sur la marge. On parle très peu ou peu du produit. Les évolutions ont fait qu'avant nous avions des chefs de rayon, maintenant on a des managers. »

Cette transformation touche aussi les interlocuteurs en magasin.

« On leur demande d'avoir une vraie gestion, on leur demande d'avoir une rentabilité, on leur demande de manager leurs équipes. On ne leur demande plus maintenant de négocier vraiment. »

Pour Frédéric, cette mutation s'explique par un changement radical du mode de consommation : « On est dans la consommation pure, on est vraiment dans la consommation. On est vraiment sur de la mise en avant. On est sur du produit quasiment du jetable. On est sur de la couleur. Avant, on cherchait une qualité de produit. Maintenant, on cherche un prix, on cherche que ça se vende. »

L'influence des tendances et des réseaux sociaux dicte désormais les règles : « On a un célèbre chocolat qu'il faut mettre en avant, faut l'avoir. Avant on avait pas ça, on avait des grosses marques qui se mettaient en avant, maintenant on a un produit parce qu'un influenceur a trouvé que c'était top. »

Le métier de chef de rayon a lui aussi radicalement évolué.

« Le chef de rayon, sa hiérarchie lui demande des résultats chiffrés. Et quand je dis résultats chiffrés, ce ne sont même plus des chiffres. Ce sont des taux. Un taux de casse, un taux de rentabilité et un taux de frais de personnel. »

Frédéric observe que le commerce se pratique différemment : « On fait toujours du commerce. On le fait vraiment différemment. La manière d'acheter, les clients ont changé. Nos parents, grands-parents arrivaient dans un magasin, ils y passaient quatre heures, cinq heures. Maintenant, les gens prennent ce qui se passe devant. Ils ont leur liste. »

Un métier de conseil en constante adaptation

Face à ces mutations, le commercial doit repenser son positionnement. « On est des conseillers, en fait, on est des conseillers. Ils sont là pour faire leur job et nous aussi. Moi, je leur explique sur les LinkedIn ce que je fais. »

Malgré 30 ans de métier, Frédéric reste optimiste et pragmatique, résumant parfaitement l'évolution nécessaire : « Il faut évoluer avec son temps et passer du stylo à la tablette et à l'iPad. » Un témoignage qui illustre parfaitement la capacité d'adaptation nécessaire pour perdurer dans ce secteur en constante mutation.