Entre fast fashion, produits bio en recul et vrac qui peine à décoller, les habitudes de consommation des Français résistent au changement malgré une sensibilité écologique croissante.
Les rayons des magasins racontent-ils mieux que les sondages les vrais choix écologiques des Français ? C'est ce que suggère la dernière édition de l'Indice d'Engagement Sociétal, une étude CSA menée auprès de plus de 2 500 personnes entre juin et juillet 2025. Car si les Français affichent leurs bonnes intentions environnementales, leurs habitudes de consommation révèlent une tout autre réalité : entre fast fashion qui séduit toujours 70% d'entre eux et produits bio en recul, le caddie reste le miroir impitoyable de nos contradictions écologiques.
Le grand écart entre intentions et achats
Avec un score global de 51 sur 100, l'engagement sociétal des Français stagne dans la médiocrité, accusant même un recul de deux points par rapport à 2024. Mais c'est dans les rayons que se révèlent les vraies habitudes : si 78% des consommateurs déclarent privilégier les produits de saison (-3 points tout de même), seuls 22% achètent régulièrement en vrac et 26% optent pour la seconde main. Un fossé qui interroge autant les enseignes que les consommateurs.
Cette tendance n'épargne pas les publics traditionnellement plus sensibilisés. Fait révélateur, les visiteurs du site GEO et les abonnés du magazine affichent pourtant des indices nettement supérieurs au grand public (59/100 dans les deux cas), confirmant qu'un public averti reste plus engagé. Néanmoins, les visiteurs voient leur indice chuter de deux points, tandis que seuls les abonnés maintiennent leur niveau d'engagement avec une très légère progression.
L'étude CSA s'appuie sur une méthodologie rigoureuse avec trois échantillons distincts : 1014 Français représentatifs de la population (par méthode des quotas), 1009 visiteurs du site internet GEO, et 513 abonnés au magazine. Cette approche permet d'analyser les écarts entre grand public et audiences plus sensibilisées aux enjeux environnementaux, révélant des différences significatives dans tous les domaines étudiés.
L'analyse sociodémographique révèle des clivages persistants. Les femmes (52/100) devancent toujours les hommes (50/100) dans l'engagement environnemental, mais l'écart se resserre avec un recul plus marqué côté féminin.
Plus surprenant, ce sont les 18-24 ans qui affichent le meilleur score (53/100), contredisant l'idée reçue d'une jeunesse désinvestie. À l'inverse, les 25-34 ans, souvent pris dans les contraintes de la vie active et familiale, peinent à concilier idéaux écologiques et réalité quotidienne (49/100).
Sans surprise, les catégories socio-professionnelles supérieures (55/100) conservent leur avance, disposant des moyens financiers pour faire des choix plus durables mais aussi plus coûteux.
Mode de vie : des gestes ancrés mais en érosion
Paradoxalement, c'est dans le domaine du mode de vie que les Français excellent le mieux (69/100), tout en montrant des signes d'essoufflement. Les « éco-gestes » de base restent largement adoptés : 89% des Français déclarent limiter le gaspillage alimentaire et trier leurs déchets « tout le temps ou souvent », 84% font attention à leur consommation d'énergie, 82% veillent à économiser l'eau.
Pourtant, la vigilance s'émousse sur des aspects pourtant cruciaux : attention à la classe énergétique des appareils (-5 points), extinction des équipements électroniques (-5 points), ou respect de la consigne de ne pas chauffer au-delà de 19°C (-3 points). Plus inquiétant, 23% des Français ont installé une climatisation, symbole d'une adaptation au changement climatique plutôt que d'une volonté de le combattre.
Bio, vrac, local : quand l'offre ne rencontre plus la demande
Les rayons alimentaires révèlent d'autres décalages préoccupants pour la grande distribution. L'achat de produits bio recule de 5 points, celui de produits en vrac peine à convaincre au-delà de 22% d'achat régulier, et la vigilance sur les labels durables s'érode. Des tendances qui questionnent les investissements massifs réalisés par les enseignes dans ces segments.
Les produits locaux (54%, -3 points) et le made in France (52%) progressent plus timidement qu'espéré, avec une nette sur-représentation des plus de 65 ans parmi les consommateurs engagés. Cette fracture générationnelle interroge sur les stratégies marketing à adopter pour séduire les jeunes consommateurs, pourtant les plus sensibilisés aux enjeux climatiques sur le papier.