Du papier au digital : comment les enseignes transforment leur communication locale

Du papier au digital : comment les enseignes transforment leur communication locale

Avec plus de 25 ans dans le digital et quatre marchés à piloter (France, Espagne, Portugal, Afrique du Sud), Henri-Noël Bouvet, aujourd’hui chez Shopfully, observe de près la mue de la communication commerciale. Dans ce podcast, il revient sur les bascules en cours, la réalité du terrain, les écarts culturels entre pays, et les raisons qui poussent (ou freinent) la transition numérique.

« On ne remplace pas un outil. On apprend une nouvelle grammaire. »

« Les enseignes ont modifié leur façon de communiquer. Elles ont pris conscience de l'évolution des usages et coutumes », nous explique au micro Henri-Noël Bouvet. Notre invité sur cet épisode revient d'ailleurs sur la dynamique enclenchée il y a quelques années et qui est désormais bien visible : « Ça s'est accéléré depuis quatre ans ». Plusieurs facteurs l'expliquent :

  • Explosion du prix du papier
  • Émergence de dispositifs réglementaires, comme l'expérimentation Oui Pub
  • Maturité digitale du consommateur
  • Essor des données comportementales exploitables via le digital

Le début de notre échange est l'occasion de rappeler les conclusions du dispositif Oui Pub : « L'expérimentation Oui Pub vient d'une consultation citoyenne, reprise par l'ADEME ». Résultat : les enseignes se sont adaptées, poussées par les contraintes… mais aussi par les opportunités.

Pour Henri-Noël Bouvet, la transformation en cours dépasse le simple changement d'outils : « On ne parle plus de transformation digitale, mais de bascule vers une nouvelle communication ». Cette évolution redessine les codes du secteur retail, obligeant chaque acteur à repenser sa relation client.

« Le local, ce n’est pas une campagne nationale avec le nom de la ville au-dessus. C’est une vraie connaissance du terrain »

La France, un marché polarisé (et en pleine recomposition)

Henri-Noël constate une concentration accélérée du retail alimentaire : « On a vu récemment Cora, Colruyt ou Casino vendre des points de vente ». Dans ce contexte, la communication locale devient un enjeu stratégique : comment rester visible, audible et différenciant au plus près des bassins de vie, tout en maîtrisant les coûts ?

Pour lui, la France est un marché très polarisé, marqué par la puissance des indépendants. « En France, la décision sur la communication locale se fait très souvent au niveau du point de vente ». Cette réalité du terrain exige une approche sur-mesure : « Le local, ce n'est pas une campagne nationale avec le nom de la ville au-dessus. C'est une vraie connaissance du terrain ».

Cette spécificité française contraste avec les voisins européens. « En Espagne, on a une centralisation très forte de la communication, là où en France, chaque point de vente peut décider ». À l'inverse de la France, où les adhérents ont un pouvoir local fort, le modèle ibérique est plus vertical, avec une stratégie de communication définie en tête de réseau.

Henri-Noël détaille : « En Espagne, il y a un ovni qui s'appelle Mercadona avec 25% de part de marché, totalement nationalisé dans son fonctionnement ». Autre différence : un tissu encore très fragmenté de chaînes locales, là où le marché français a tendance à se concentrer.

Même si les outils numériques sont disponibles, leur adoption reste inégale. « Ils n'ont pas encore eu cet électrochoc qu'on a pu avoir en France ». En cause : une relation encore forte au prospectus papier, notamment dans les enseignes locales.

Henri-Noël explique cette réticence : « Il y a encore une peur de ne plus toucher tout le monde si on arrête le papier ». Il ajoute : « Le papier, c'est une contactabilité garantie à 100% autour du point de vente. Le digital, lui, semble plus incertain, même s'il est plus riche ».

« Aider les enseignes à mieux communiquer auprès de leur zone d’influence, c’est notre mission. »

Le digital offre des réponses… mais pas les mêmes garanties

« Les directions marketing se rendent compte que toutes les datas qu'elles peuvent récupérer sur le digital sont précieuses », ajoute note invité. Analyse de comportement, mesure de la performance, affinité locale… Les outils évoluent vite. Mais cela suppose une montée en compétence, des tests, une capacité à piloter en finesse.

Henri-Noël tempère : « Le digital ne remplacera pas le papier à 100%, mais il apporte des réponses nouvelles, plus ciblées, plus mesurables ». Il précise la nature de cette transformation : « Le digital, c'est la donnée, l'optimisation, l'agilité. Mais ça demande de l'accompagnement ».

L'approche préconisée par Shopfully mise sur la progressivité : « Les enseignes qui réussissent sont celles qui testent, mesurent, ajustent. Ce n'est pas un switch brutal ». Cette méthode permet d'apprivoiser les nouveaux codes tout en conservant ce qui fonctionne.

Shopfully, à travers ses différentes plateformes, capte aujourd'hui une volumétrie considérable. « En 2024, un peu plus de 800 millions de catalogues ont été lus sur nos plateformes. C'est massif ».

Ces données permettent d'identifier des tendances fortes, de recommander des ajustements, et de piloter la diffusion par zone, typologie ou période.

Ce que révèle l'échange avec Henri-Noël Bouvet, c'est une réalité en tension : le digital ne s'impose pas, il se construit. Il oblige à repenser ses réflexes, à analyser, à tester, à mesurer. Mais pour ceux qui acceptent cette transition, les leviers sont nombreux : « Aider les enseignes à mieux communiquer auprès de leur zone d'influence, c'est notre mission. »

Et demain ? Ce sera peut-être moins de volume, mais plus d'impact local, plus de pertinence, et plus de maîtrise du ROI.