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Au front et indispensables, les hôtesses de caisse risquent leur vie

Elles sont indispensables à la grande distribution. Et pourtant ces derniers mois, avec l’émergence des caisses automatiques, on ne leur donnait pas beaucoup de crédit.

Jonathan Le Borgne
Jonathan Le Borgne

En première ligne face au coronavirus, elles sont ces petites mains essentielles aux supermarchés. Et toutes enseignes confondues, elles ne semblent pas logées à la même enseigne.

Le secteur de la grande distribution est un acteur majeur de cette crise, avec la responsabilité de permettre aux clients de s’alimenter. Un rôle essentiel pour assurer l’approvisionnement. Les professionnels du secteur, au four et au moulin des derniers jours, sont au front pour permettre à cette large économie de continuer son activité. Des centaines de métiers et d’entreprises en dépendent.

Les “hôtesses de caisse”, elles, sont ces petits soldats de cette “guerre” contre le virus à qui on aime rendre la monnaie de leur pièce. Enfin surtout en ce moment. Ce métier menacé par les caisses automatiques est aujourd’hui applaudi et remercié.

Hôtesse de caisse et majoritairement féminine

Elles s’appellent Séverine, Véronique, Viviane, Élodie ou Sandra. Elles sont 150 000 femmes en France (équivalent temps plein). Ce métier souvent précaire, à 90% féminin, est actuellement en première ligne de cette crise sanitaire qui confine la France. Parfois sans protection, elles racontent dans cet article leur quotidien, entre fierté et crainte pour leur santé.

À coup de bip, elles voient défiler chaque jour des dizaines de produits sur les tapis, et pas toujours des produits dits “impérieux” regrettent-elles. Des pâtes, du riz, des conserves et des packs d’eau font partie des produits classiques, mais “on voit des achats qui ne correspondent pas à des achats nécessaires” commentent l’une d’elles en donnant des exemples “un flamant rose pour décorer le jardin, un barbecue, du terreau, une bouteille champagne, une tondeuse à gazon, des cintres, une bouteille de whisky ou des préservatifs…”.

Au passage en caisse, les clients n’ont pas toujours le respect pour ces professionnels : “les clients se croient en vacances” exprime avec colère l’une d’elles : “certains osent passer à 10 centimètres pour nous demander un renseignement. Et quand vous dîtes que le produit est en rupture, on se fait insulter”.

“Une cliente s’est moquée de moi ouvertement quand je lui ai demandé de reculer du comptoir…”

La crainte d’une contamination

Alors, pour pallier les besoins de la grande distribution, elles s’exposent chaque jour, entre fragilité et crainte face à l’épidémie du Covid-19. Ce sacrifice qu’elle réalise ne sera sans doute pas sans conséquence dans les semaines qui viennent.

Fidèles aux postes, elles n’ont pas le meilleur rôle dans cette crise. C’est “la boule au ventre” qu’elles viennent travailler chaque jour. “On côtoie des centaines de clients tous les jours souvent pressés et impatients”.

“On nous demande de désinfecter les caisses pour les clients, mais pour nous, rien n’est mis en place” déclare l’une d’elles au sein d’un groupe Facebook.

Des mesures de protection en magasin

En magasin des mesures de protection ont été mises en place. Elles doivent faire confiance aux moyens mis en place dans leur magasin pour espérer ne pas être contaminée : gel hydroalcoolique, gants, vitres en plexiglas pour se protéger des clients, masques pour certaines, les magasins font ce qu’ils peuvent pour assurer la protection des salariés très exposées.

Pour cette caissière, de nombreuses mesures sont mises en place pour assurer leur sécurité : “Dans notre magasin, nous avons installé des vitres en plexiglas. Nous imposons 1 mètre de distance entre chaque client dans les files d’attente. Nous avons aussi un agent de sécurité qui filtre les entrées avec pas plus de 40 personnes tous les quarts d’heure. Une seule entrée est ouverte” commente Amélie. “Nous caissières, nous avons aussi du gel hydroalcoolique, des masques et des gants” ajoute-t-elle.

Les mesures sont nombreuses pour assurer au maximum leur sécurité. Dans les magasins, les initiatives sont nombreuses : “Nous avons allongé les horaires d’ouverture, privatiser le magasin pour les personnes fragiles et depuis quelques jours, chaque caddie est désinfecté avant d’être remis aux clients”.

À l’inverse, d’un magasin à l’autre, les moyens ne sont pas les mêmes : “Chez nous, nous n’avons rien en place. Nous attendons toujours des casques avec visières mais nous n’avons encore rien reçu. En attendant, on fait avec le système D avec du film à palette” nous raconte l’une d’elles.

Droit de retrait et boule au ventre

Je pars tous les matins avec la boule au ventre” insiste l’une d’elles en ajoutant “et pas forcément à cause du virus mais à cause des clients qui ne comprennent et ne nous respectent pas”. “Personne ne parle de nous, mais sans nous ce serait le bordel en magasin” commente l’une d’elles.

Nombreuses sont celles à plus venir travailler. “Des collègues et confrères ont attrapé le virus dans mon magasin et des magasins voisins. Certains vont mourir dans l’anonymat alors qu’ils se sont sacrifié”. L’inquiétude monte dans ce secteur. Les effectifs se réduisent et la pénurie de professionnels guette les supermarchés et hypermarchés. Si les magasins profitent d’un retour au calme, une nouvelle vague de consommateurs devrait arriver si prolongement du confinement il y a. Une hypothèse plus que probable.

De plus en plus, le rythme de ces derniers jours pousse certaines à rebrousser chemin. “La cadence devient infernale” explique Gaëlle “et en plus ils viennent de fermer la salle de pause. “Le midi on mange sur les genoux”. “Moi je ne risque pas ma vie, ni celle de ma fille, ni celle de ma femme” ajoute une autre membre de la communauté.

Une des craintes qui revient le plus souvent parmi les témoignages ce sont les questions liées au droit de retrait : “nous avons un droit de retrait mais nous avons la crainte de perdre notre métier” racontent plusieurs d’entre elles. En CDD ou contrat étudiant, elles sont plusieurs à redouter une décision de retrait vis-à-vis de leur employeur.

“Exprimer son droit de retrait oui, mais ce ne sera pas sans répercussions” affirme l’une d’elle. “On se tire une balle dans le pied. Dans les prochains mois, si on a une réclamation sur nos vacances ou sur une demande de jour de repos, ce sera un NON catégorique”.

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Nous ne sommes qu’au début de cette crise sanitaire. Si la grande distribution multiplie les initiatives pour rassurer les consommateurs et garder leurs salariés, rien ne dit que la situation va rester comme cela. La durée du confinement aura un effet direct sur les ventes en magasins.

Métier

Jonathan Le Borgne Twitter

Éditeur de Je Bosse en Grande Distribution. Passionné par la transition numérique des entreprises. Consultant, formateur et stratège en communication digitale pour la grande distribution.

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