Fruits, légumes, viande : pourquoi la grande distribution perd de l'argent sur les produits frais

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On accuse souvent la grande distribution de s'enrichir sur le dos des consommateurs et des producteurs. Les chiffres racontent une tout autre histoire : en 2022, les enseignes perdaient 4,5% sur chaque kilo de fruits et légumes vendu, et 3,2% sur la viande de boucherie. Bienvenue dans le paradoxe des rayons frais, ces secteurs stratégiques où les distributeurs acceptent de perdre de l'argent pour attirer les clients.

Des marges négatives sur les produits du quotidien

Les derniers chiffres d'une étude récente le confirment noir sur blanc : les rayons fruits et légumes frais affichent une marge nette de -4,5% en 2022. La boucherie n'est pas mieux lotie avec -3,2%. Concrètement, cela signifie que pour 100 euros de fruits et légumes vendus, l'enseigne perd 4,50 euros. Pour 100 euros de viande fraîche, elle en perd 3,20.

Comment est-ce possible ? Comment peut-on vendre à perte, jour après jour, sans mettre la clé sous la porte ?

La réponse tient en un mot : volume. Le modèle économique de la grande distribution repose sur des volumes colossaux qui permettent de compenser les pertes sur certains rayons par des marges positives – mais extrêmement faibles – sur d'autres. Le résultat net global du commerce de détail alimentaire généraliste ? Seulement 1%. Un pour cent. Là où Coca-Cola affiche 21% de marge nette consolidée, où Pepsico atteint 15%, la grande distribution française tourne à 1%.

Les produits frais, un investissement plus qu'un centre de profit

Pour comprendre cette aberration économique apparente, il faut saisir le rôle stratégique des rayons frais dans un supermarché. Les fruits et légumes, la boucherie, la poissonnerie, la boulangerie : ce sont les vitrines du magasin. Les rayons qui donnent l'image qualité. Ceux qui font revenir le client.

Un consommateur qui trouve des tomates douteuses ou une viande de piètre qualité ne reviendra pas. Peu importe que le reste du magasin soit irréprochable. Les produits frais sont le thermomètre de la qualité perçue d'une enseigne. C'est pourquoi les distributeurs acceptent d'y perdre de l'argent : ces rayons sont des investissements marketing déguisés.

« Le traditionnel, c'est la garantie fraîcheur et la garantie d'une relation de confiance », résume un manager. Un autre est plus direct : « Ce n'est pas avec ce rayon que le patron va trop s'enrichir, mais si c'est bien tenu, c'est attractif », explique un autre.

Mais cet investissement a un coût. Un coût réel, mesurable, qui se compte en millions d'euros chaque année. Et ce coût se répercute nécessairement ailleurs : sur les marges d'autres rayons, sur les négociations avec les fournisseurs, sur les prix de vente globaux. « Les prix augmentent pour compenser le budget », explique ce responsable de rayon, qui pointe du doigt la nécessité de « faire du surgelé, de l'épicerie, du frais libre-service » pour équilibrer les comptes.

La tyrannie de la fraîcheur et du gaspillage

Derrière ces marges négatives se cache aussi une réalité opérationnelle brutale : les produits frais sont, par définition, périssables. Un melon trop mûr, une salade qui jaunit, un poulet dont la date limite approche : tout doit être soldé ou jeté. La perte est immédiate, incompressible.

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