L'après Oui Pub, L'évolution de la com' locale
Nous vivons un basculement fondamental dans la façon dont le commerce se construit et se développe. Hier, on vendait des produits à des clients. Aujourd'hui, on cultive une audience que l'on engage, fidélise et monétise via des produits et services. Cette inversion du paradigme change tout pour le commerce.
Entre fin du Oui Pub et retour au Stop Pub, nouvelles réglementations, pression environnementale et explosion du digital (réseaux sociaux, e-mail, SMS, publicité digitale, TV segmentée), les stratégies qui fonctionnaient hier ne suffisent plus aujourd'hui et doivent être repensées.
Longtemps marginale, la communication locale s’impose désormais comme un levier stratégique pour la grande distribution. Lors du dernier webinaire organisé par Je Bosse en Grande Distribution, Jonathan Le Borgne a réuni Raphaël (Meta) et Arnaud (Nanotera) pour faire le point sur les tendances, freins et mutations en cours. Un échange riche, ponctué de données terrain, de constats opérationnels… et de convictions partagées.
La communication locale a gagné en maturité. On le sent dans les demandes des points de vente, mais aussi dans les arbitrages stratégiques . Un constat partagé par Arnaud, pour qui « les points de vente s’approprient de plus en plus la communication locale et ne la subissent plus ».
Une tendance accentuée par le retrait progressif du prospectus. Si certains secteurs comme le bricolage continuent à y recourir massivement, « dans l’alimentaire, on a atteint un plancher. Le digital prend progressivement le relais », explique Arnaud. Chez Meta, Raphaël confirme : « La digitalisation du prospectus a généré beaucoup de business sur nos plateformes. Aujourd’hui, 70% des Français sont présents quotidiennement sur nos services. »
Mais au-delà du basculement média, c’est toute une transformation de la relation client qui est à l’œuvre. « Le consommateur est devenu multicanal, fragmenté. En moyenne, il fréquente 8,5 enseignes par an contre 7,1 en 2008. Il faut réussir à l’interpeller au bon moment, avec la bonne offre », analyse Arnaud. D’où l’importance d’un mix média adapté, hybride, pensé à l’échelle locale.
« On voit de plus en plus d’enseignes où les magasins veulent challenger le national, et demandent plus d’autonomie. », Arnaud Longatte
Du papier aux plateformes : la revanche des points de vente
Le basculement ne se fait pas sans difficultés. Le frein principal ? « Un public perçu comme peu digitalisé, souvent de manière erronée », tempère Arnaud. Car dans les faits, « les seniors sont très présents sur les réseaux sociaux. Il faut sortir du cliché “le papier pour les vieux, le digital pour les jeunes” », insiste Rafaël de Meta.
Raphaël enfonce le clou : « Ne pas accélérer sur le digital, c’est ne pas monter dans le train. L’écosystème évolue très vite, avec la data, l’IA, le retail media… Il faut y aller, même si c’est complexe au début. » Et de rappeler que « le coût d’entrée sur les réseaux sociaux reste faible. Un CPM de 1,50€ à 5€, c’est accessible pour beaucoup de magasins ».
L’une des évolutions majeures tient à la montée en puissance des outils propriétaires. « L’application mobile permet une fréquence d’usage élevée à moindre coût. Le SMS, l’email, WhatsApp… tout cela devient un CRM actif. » Et surtout, la communication évolue. « On bascule d’un discours produit-prix à un contenu narratif, utile, incarné. L’audience devient un actif stratégique. »
« L’humain dans les publicités, c’est ce qui crédibilise, ce qui rassure, ce qui engage. », Rafaël de Meta
L’incarnation, justement, est au cœur du dispositif. « On recommande de plus en plus de faire intervenir des humains dans les publicités sur les réseaux sociaux. Parce que l’humain rassure, crédibilise, engage. » Une démarche que les points de vente les plus agiles ont intégrée. « Ceux qui performent en ligne sont d’abord très bons sur le terrain. Leur communication locale est une extension de leur excellence opérationnelle. »
Quant à la mesure de la performance, souvent évoquée comme un frein, les deux intervenants se veulent rassurants. « On progresse. Le digital permet déjà de comparer des zones exposées et non exposées, voire de mesurer les écoulements en rayon. L’IA va accélérer cette capacité d’analyse locale », assure Arnaud.
L’enjeu reste la montée en compétence des équipes locales. « Près de 50 % des magasins prévoient de recruter ou former. Le rôle de “community manager magasin” devient celui d’un stratège local. Il faut une vue d’ensemble, du CRM au print, en passant par la pub digitale », analyse Arnaud au cours de ce webinar.
Un virage culturel donc, mais aussi structurel. « Le magasin doit être exigeant envers le siège. Il faut que les flux produits, les stocks, les datas soient bien remontés pour que la communication soit pertinente. » Et demain ? « Le prospectus a encore de l’avenir, à condition de se réinventer, avec du contenu local, éditorial, de l’émotion. Un hook comme sur le digital », conclut Raphaël.
