Pourquoi les enseignes investissent dans les data centers et comment l’infrastructure devient le nouveau terrain de bataille du retail

Pourquoi les enseignes investissent dans les data centers et comment l’infrastructure devient le nouveau terrain de bataille du retail

Ces derniers jours, le groupe Schwarz a annoncé la création d'un data center géant en Allemagne, avec des chiffres spectaculaires :

  • plus de 11 milliards d’euros d’investissements ;
  • 6 bâtiments sur 13 hectares, sur une ancienne centrale électrique
  • 200 MW de capacité, 100% énergie verte
  • ... pour une finalisation prévue en 2027

Cet investissement s’inscrit dans une montée en puissance globale du groupe Allemand dans la technologie via Schwarz Digits, sa branche cloud / IA / cybersécurité créée en 2023.

Ce n’est plus un signal faible. C’est un basculement. Car oui, cet investissement impressionnant est néanmoins loin d’être isolé. Les distributeurs investissent désormais autant dans les serveurs que dans les mètres carrés de magasin.

En France, toutes les enseignes ont accéléré le mouvement :

  • Carrefour a annoncé fin 2021 une augmentation de ~50% de ses investissements numériques, avec un plan dédié de 3 milliards d’euros sur 2022-2026. Cet effort global vise la transformation “data-centric, digital first” du groupe (e-commerce, data, IA, retail media, etc.), après déjà 2 milliards d’euros investis dans la tech et le digital entre 2018 et 2021.
  • Le groupement Les Mousquetaires (Intermarché, Netto…) a concentré ses investissements “data” sur une plateforme cloud centralisée. Stime (la DSI interne) réalise 98% de ses investissements data sur une plateforme unifiée Databricks hébergée sur Microsoft Azure. Dès 2019, Intermarché s’est allié à Microsoft pour créer une Data Factoryvisait à exploiter l’IA (machine learning, computer vision...) pour offrir des services personnalisés en magasin et en ligne, par exemple guider les clients vers le “mieux manger” grâce à la traçabilité et l’analyse des données produits.
  • Coopérative U est plus discrète sur le sujet de ses dépenses IT, mais un plan de 300 millions d'euros a été annoncé en 2022 dédié à la transformation du groupement.
  • Leclerc, plutôt discret aussi, avance sur le sujet via sa filiale Infomil, pour développer et héberger ses solutions. Infomil a par exemple étendu son datacenter de Toulouse ces dernières années afin de soutenir de nouveaux services digitaux (caisses scan & go, affichage numérique, drive…). Selon nos recherches, une nouvelle salle informatique et un groupe électrogène de 1800 kVA ont été installés pour sécuriser l’alimentation électrique du site. Un deuxième générateur de secours doit encore être ajouté, signe des besoins croissants liés à la digitalisation. (Le coût de ces travaux n’a pas été divulgué, mais témoigne d’investissements constants dans l’infrastructure propre du groupement).

Tout cela pour dire que les infrastructures deviennent plus importantes que les m2 en magasin, signe d'une mutation profonde. Explications.

1. Le retail devient une industrie pilotée par la donnée

Aujourd’hui, le retail repose sur une mécanique de précision. Tout est question de données : tickets de caisse, navigation en ligne, comportements en rayon, ruptures, promotions, fidélité, flux logistiques… Le traitement et la valorisation de ces flux numériques permettent d’optimiser chaque recoin de la chaîne de valeur.

Ces données ne sont plus simplement un outil de reporting. Elles deviennent le socle des décisions stratégiques que ce soit pour :

  • affiner les prévisions,
  • personnaliser les promotions,
  • piloter les stocks,
  • ajuster les prix dynamiquement,
  • identifier les signaux faibles.

La donnée devient un actif aussi précieux que les mètres carrés en magasin ou les entrepôts logistiques.

Mais pour qu’elles produisent de la valeur, encore faut-il pouvoir les stocker, les nettoyer, les traiter, les analyser, les activer. Ce qui implique de bâtir des infrastructures solides, capables d’ingérer des milliards de points d'information chaque jour, en temps réel. Le cloud, les data lakes, les pipelines de traitement, les moteurs d’IA… deviennent la colonne vertébrale du retail moderne.

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