Comment Lactalis a avalé Danone... sans faire de bruit

Comment Lactalis a avalé Danone... sans faire de bruit

En 2022, l'impensable s'est produit dans l'industrie laitière française : Lactalis, empire discret dirigé par l'invisible Emmanuel Besnier, a détrôné Danone du rang de premier groupe agroalimentaire français. Trois ans plus tard, en 2025, le verdict se confirme. Le géant mayennais poursuit sa progression à bas bruit pendant que Danone tente de se réinventer. Décryptage d'un duel asymétrique où s'affrontent deux visions radicalement opposées du lait.

Le grand basculement : quand le discret dépasse le médiatique

Deux géants, deux trajectoires inversées

D'un côté, Lactalis, champion sans ego, leader sans triomphe. Le groupe n'adresse quasiment jamais de communiqués à la presse et ne publie ses résultats que depuis 2019, de façon partielle. Son PDG et propriétaire Emmanuel Besnier, troisième génération à la tête de ce fleuron mayennais (Président, Lactel, Bridel), est à peu près inconnu du grand public. Pendant des années, les médias ne disposaient d'aucune photo de lui.

De l'autre, Danone, vitrine de l'agroalimentaire français, coté en bourse depuis 1997, aux marques emblématiques (Activia, Actimel, Evian), qui communique activement sur son projet social et ses engagements RSE.

Pourtant, en quelques années, à l'abri des regards, Emmanuel Besnier a réussi l'impensable : dépasser le géant médiatique.

Les chiffres qui racontent le renversement

L'évolution des chiffres d'affaires entre 2022 et 2024 illustre ce basculement :

Lactalis :

  • 2022 : plus de 28 milliards d'euros (dépasse Danone pour la première fois)
  • 2023 : ~29,5 milliards d'euros (+4,3%)
  • 2024 : 30,3 milliards d'euros

Danone :

  • 2022 : 27,7 milliards d'euros
  • 2023 : 27,6 milliards d'euros (+7% en données comparables)
  • 2024 : 27,4 milliards d'euros (+4,3%)

Premier semestre 2025 : la tendance se confirme. Lactalis progresse de +1,5%, Danone de +3,4%. Ce dernier affiche la meilleure performance du trio de tête (Nestlé-Lactalis-Danone) en début d'année, signe que le plan de redressement commence peut-être à porter ses fruits. Mais l'écart de chiffre d'affaires demeure : près de 3 milliards d'euros séparent désormais les deux groupes.

Le paradoxe de la rentabilité

Mais voici le chiffre qui change tout : en 2024, Danone affiche 2 milliards d'euros de bénéfices... contre 359 millions pour Lactalis. Le géant discret est six fois moins rentable que son rival médiatique.

GroupeCA 2024Bénéfices 2024Marge nette
Lactalis30,3 Mds €359 M€~1,2%
Danone27,4 Mds €2 000 M€~7,3%

Ce paradoxe révèle deux modèles économiques diamétralement opposés : Lactalis joue le volume à faibles marges, Danone mise sur la valeur ajoutée et la rentabilité. Qui a raison ? La réponse dépend de la vision qu'on a de l'avenir du marché laitier.

Deux philosophies, deux stratégies

Lactalis : la course à la taille critique

La stratégie de Lactalis tient en un mot : croissance externe. Depuis une décennie, le groupe multiplie les acquisitions spectaculaires pour atteindre la taille critique sur tous les continents :

  • Parmalat (Italie), géant du lait et des produits frais
  • Stonyfield (yaourts bio aux États-Unis)
  • Les activités fromages de Kraft Heinz et General Mills en Amérique du Nord
  • Les marques grand public de Fonterra (Nouvelle-Zélande) pour 2,24 milliards de dollars en 2024

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