Le commerce tel que nous le connaissons vit ses dernières années. Demain, vous n'entrerez plus dans un supermarché pour comparer des produits. Vous demanderez simplement à une intelligence artificielle : « Trouve-moi une crème hydratante bio et abordable. » En une seconde, la réponse tombera. Sans publicité, sans rayon à parcourir, sans hésitation. Cette simplicité apparente cache une révolution silencieuse qui pourrait faire basculer l'équilibre du commerce mondial.
La fin du règne des distributeurs, le début d'une autre
Pendant plus de soixante ans, les distributeurs ont dicté les règles du jeu. Ce sont eux qui décidaient quels produits méritaient la meilleure place en rayon, à quel prix ils seraient vendus, et comment le client naviguerait dans le magasin. Les fabricants devaient négocier, supplier même, pour obtenir un peu de visibilité. Cette domination reposait sur deux piliers : la proximité physique et le contrôle de la visibilité des produits.
Mais ces deux piliers sont en train de s'effondrer. Dans un monde où l'intelligence artificielle choisit pour vous, les rayons deviennent invisibles. Le parcours client disparaît. Pour la première fois depuis les années 1960, les fabricants peuvent reprendre la main sur la relation avec leurs clients et récupérer une partie de leurs marges perdues.
Du magasin à la conversation : le commerce agentique
Le terme peut sembler technique, mais le concept est simple : le commerce agentique désigne un monde où des agents d'intelligence artificielle réalisent des tâches complexes de manière autonome. Vous ne chercherez plus un produit, vous le demanderez. L'IA proposera, argumentera, comparera et finalisera l'achat à votre place.
Les géants du secteur l'ont compris. Walmart mise désormais sur ChatGPT pour automatiser les achats et capter un trafic considérable, dans l'espoir de rivaliser avec Amazon. Les éditeurs technologiques, de Nvidia à Microsoft en passant par Google et OpenAI, multiplient les solutions pour équiper les commerçants de ces nouveaux outils. Le marché est colossal et la course ne fait que commencer.
Cette transformation ne concerne pas uniquement les géants américains. En France, les entreprises commencent à adopter cette technologie pour améliorer leur productivité et leur relation client. Les moteurs d'IA apprennent désormais les préférences des visiteurs, anticipent leurs besoins et adaptent l'offre en temps réel. Les chatbots de nouvelle génération ne se contentent plus de répondre à des questions basiques : ils conseillent, suivent les commandes, traitent les retours, disponibles 24 heures sur 24.
Les bénéfices concrets, mais à quel prix ?
Les résultats sont tangibles. La personnalisation fine peut augmenter les taux de conversion jusqu'à 20 % et la valeur du panier moyen de 15 % en moyenne. Les algorithmes anticipent la demande, déclenchent automatiquement les réassorts et optimisent les itinéraires de livraison. La détection d'anomalies comportementales permet de bloquer les tentatives de fraude avant qu'elles n'aboutissent. L'automatisation des tâches répétitives réduit les coûts, du support client à la logistique.
Mais les fabricants ne sont pas tirés d'affaire pour autant. S'ils échappent à l'emprise des distributeurs, ils tombent dans les bras des géants de l'intelligence artificielle, qui deviennent les nouveaux supermarchés invisibles. Ce sont désormais ces plateformes qui décideront quels produits recommander, à quel prix et selon quels critères. Et pour être visibles dans ces recommandations, les marques devront payer.

 
 
 
                 
     
         
                 
                 
                 
                 
                 
            