Depuis plus de vingt ans, la grande distribution sait qu’elle est assise sur une mine d’or : la data. Pourtant, son exploitation n’a réellement pris son essor qu’au début des années 2010 avec l’explosion du digital. Aujourd’hui, l’enjeu n’est plus seulement d’accumuler de l’information, mais de la rendre exploitable afin de personnaliser l’expérience client, notamment à une échelle locale.
Entretien sur le podcast avec Arnaud Chapis, co-associé d'Imagino, un outil de Marketing Automation intelligent adapté aux retailers. On y parle de l'impact croissant de la data dans la grande distribution, de son rôle clé dans la personnalisation des offres, la fidélisation client et l’optimisation des stratégies marketing. Notre invité revient également sur la transformation digitale du secteur, l'importance du cloud et de l’IA pour exploiter efficacement ces données, ainsi que les défis liés à la souveraineté numérique et à l’équilibre entre marketing national et local - avec en exemple, une étude de cas de Picard. Enfin, il met en perspective l’avenir du retail, où la maîtrise des données et la multiplication des canaux seront essentielles pour rester compétitif.
Une évolution majeure depuis 2010
Il faut attendre 2010 pour que la data devienne un sujet central au sein des enseignes. À cette époque, les mobile s'équipaient de GPS, l'ecommerce et les market places montaient en puissance. On assistait au "SoLoMo" (Social, Local, Mobile). Le marketing local se digitalisait doucement. C'était aussi le début du déclin du marketing papier. Quelques années plus tard, le monde numérique a bien changé. Comme le souligne notre invité, 2010 marque un tournant dans la stratégie de transformation des retailers : « l’élément principal, c’est les années 2010, le moment où la donnée digitale a commencé à rentrer en ligne de compte par rapport aux activités classiques d’un distributeur. Historiquement, le distributeur reconnaît bien ses données de vente, puisqu’il sait quels sont ses clients et ce qu’ils achètent chez lui. Mais finalement, c’était assez simple à manipuler ».
Depuis, l’Internet, l’e-commerce et les réseaux sociaux ont bouleversé cet équilibre : « la donnée digitale, c’est 10 à 100 fois plus de données que la donnée transactionnelle classique », affirme Arnaud Chapis. Le défi pour les enseignes est donc devenu la transformation de ce volume immense de données en informations utiles.
D’où vient la data et comment est-elle exploitée ?
La data représente un enjeu clé aujourd'hui. Tout est une question de collecte et d'exploitation : « l’objectif, c’est d’avoir une vision à 360° de toutes les interactions d’une marque avec ses consommateurs ». Pour cela, les distributeurs doivent collecter et croiser plusieurs types de données, comme par exemples :
- La donnée socio-démographique issue des programmes de fidélité : C’est la base, ici, on sait qui est notre client, où il habite, son email, son téléphone ;
- La donnée transactionnelle : elle provient des caisses et du e-commerce. C’est fondamental pour comprendre les habitudes d’achat ;
- La donnée digitale : ce sont les traces laissées par le consommateur sur le site web et l’application de l’enseigne ;
- Les données générées : ici on parle du score RFM, de la date de dernière transaction, des habitudes de navigation et d’achat.
« Aujourd’hui, ces données sont beaucoup plus accessibles grâce aux API. Avant, c’était des transferts de flux et des fichiers, maintenant, on peut se connecter en temps réel à différents systèmes », explique notre invité, tout en poursuivant : « L’information digitale, de par son volume et de par sa complexité, elle est impossible à manipuler et à construire par une équipe informatique seule. [...] Ce sont des quantités incroyables, impressionnantes… Ce sont des téraoctets de données, des centaines de millions de lignes d’informations qui déboulent tous les jours dans le système ».
L’objectif de la data, c’est d’avoir une vision à 360° de toutes les interactions d’une marque avec son consommateur ».
Centralisation ou autonomie locale ?
L’exploitation de la data varie selon les enseignes : certaines centralisent les décisions marketing, d’autres laissent plus d’autonomie aux magasins locaux : « dans le retail, il y a toujours cette idée forte que c’est la proximité qui fait le commerce. Le commerçant connaît ses clients, il sait s’il fait beau ou pas dans sa région, il sait quels sont les produits locaux qui marchent ».